UNE VINGTAINE DE MEDECINS ont passé la journée de lundi devant le ministère de la Santé. Sous la pluie. Devant des banderoles exigeant la fin de leur « humiliation ». Points communs à tous ces praticiens : la nationalité française, des diplômes de médecine obtenus hors d'Europe et des possibilités de reconnaissance de leurs compétences par le système de soins français totalement épuisées.
Représentés par l'Amfdec (Association des médecins français à diplôme extracommunautaire, qui compte très exactement 42 adhérents), ces médecins seraient autour de 200 à exercer actuellement dans les hôpitaux. En toute légalité puisqu'ils étaient déjà en poste avant juillet 1999, date où la promulgation de la loi sur la CMU (couverture maladie universelle) a rendu impossible - en théorie - toute nouvelle embauche de médecin à diplôme étranger. Pourquoi ne sont-ils pas, comme des milliers de leurs confrères d'infortune, devenus praticien adjoint contractuel (PAC), voire praticien hospitalier (PH) ? Pourquoi n'ont-ils pas, autre solution, obtenu l'autorisation d'exercer la médecine en France via le Csct (certificat de synthèse clinique et thérapeutique) ?
A travers les mailles du filet.
Parce que les règles d'intégration établies à l'époque (nécessité, par exemple, de cumuler tant d'années d'expérience avant telle date) ne correspondaient pas à leurs situations personnelles, ce qui les a empêchés de présenter les concours ou les épreuves qui auraient pu les sauver de la précarité. Ou bien parce qu'ils ont présenté ces concours et épreuves et qu'ils y ont échoué. D'une manière ou d'une autre, ils sont donc passés à travers les mailles du filet de l'intégration et de la reconnaissance inventé par les pouvoirs publics à la fin des années 1990. La loi a cependant prévu qu'ils pouvaient rester en fonction jusqu'à leur retraite. Ce qu'ils font. Sous les « sous-statuts » de praticien associé ou d'assistant associé. Evidemment mal payés. Et évidemment en mal de reconnaissance.
Piégés par le système.
Battant le pavé gris de l'avenue de Ségur, les militants de l'Amfdec se sentent pris au piège et victimes d'une grosse injustice. « Nous exerçons en tant que médecins à part entière, chargés de patients, s'indigne l'une d'entre eux, assistante généraliste à l'hôpital du Vésinet, d'origine sénégalaise . Je suis désolée mais quand je suis de garde, il n'y a pas de patron. Nous sommes médecins. Il faut que nous soyons reconnus en tant que tels. » Au chapitre des gardes, un autre a fait ses comptes : « En cinq ans d'exercice, j'ai totalisé 1 000 gardes ! » Un autre encore explique : « La plupart d'entre nous font des gardes senior aux urgences. Nous avons alors des internes, des externes sous notre responsabilité. » Et pour clore le sujet, une dernière s'amuse à demi : « Quand il s'est agi de nous réquisitionner pendant la canicule, alors là, on était médecin ! » Dans le même ordre d'idées, une jeune femme qui exerce depuis huit ans la médecine légale en France s'étonne de pouvoir signer des documents cruciaux (comme les certificats d'agression sexuelle), d'être en position « d'envoyer des présumés coupables en prison », de témoigner devant les tribunaux en tant qu'« expert judiciaire »..., « tout ça pour n'être, à la fin, qu'une petite attachée ».
« Incohérence », « aberration », tels sont les mots qui reviennent le plus souvent dans le discours des militants de l'Amfdec. Des médecins souvent amers et qui estiment que l'Etat français n'a pas été honnête avec eux . Dans la perspective de l'ouverture de l'Europe vers l'est, certains n'hésitent pas à parler, même, de « ségrégation raciale ». « Avec le handicap de la langue, de la non-connaissance du système de soins français, avec une formation parfois rudimentaire, des médecins vont pouvoir venir travailler et accéder à des statuts qui nous sont interdits, à nous qui avons écouté des conférenciers français dans de grandes universités parisiennes. »
Les postes des médecins que défend l'Amfdec ne tiennent parfois qu'à un fil. Sept d'entre eux, qui travaillent à l'Etablissement français du sang, sont aujourd'hui menacés de licenciement. Ils constatent, impuissants : « Le plus "récent" de nous a de sept à cinq ans d'ancienneté, nous avons tous un diplôme de don du sang acquis en France. Dans une semaine, peut-être deux, on va nous mettre à la porte. »
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