JAMAIS à court d'inspiration à l'heure des joutes parlementaires sur le PLFSS, le député UMP Yves Bur (Bas-Rhin), rapporteur du projet de loi et chirurgien-dentiste de formation, a jeté un pavé dans la mare tarifaire en suggérant une limitation du secteur II à honoraires libres (« le Quotidien » du 19 octobre).
De quoi s'agit-il ? Un amendement (à l'article 28), adopté en commission des affaires sociales et qui devrait être examiné aujourd'hui par les députés en séance (la discussion sur le PLFSS a commencé hier soir dans l'hémicycle), propose que la convention médicale prévoie désormais l'« obligation» pour le spécialiste de secteur II de respecter les tarifs opposables sur «une part de son activité libérale». Les «modalités» de cet encadrement du secteur II sont ainsi renvoyées aux négociations entre l'assurance-maladie et les syndicats médicaux ; reste que l'amendement Bur fixe un cadre qui changerait les règles du jeu puisque chaque spécialiste de secteur II s'engagerait à «pratiquer une proportion minimale d'actes sans dépassements d'honoraires». Aujourd'hui, les spécialistes installés en secteur IIrespectent, de fait, les tarifs conventionnels opposables pour une part plus ou moins importante de leur activité (bénéficiaires de la CMU, urgences...). Avec l'amendement d'Yves Bur, cette proportion d'actes sans dépassements serait quantifiée noir sur blanc. Un tiers ? Un quart ? «Je n'en sais rien, c'est aux partenaires conventionnels de le décider», indique le député Yves Bur.
L'exposé des motifs de l'amendement justifie la mise en place de nouvelles garanties par « la progression régulière» de la part des spécialistes de secteur II, notamment dans les spécialités chirurgicales (voir tableau), et «leur concentration dans certaines régions». D'autant que les nouvelles installations de spécialistes confor-tent cette tendance. La quasi-totalité des chirurgiens (86 %) et des ORL (90 %), mais aussi les trois quarts des gynécologues (75 %) et des ophtalmologistes (73 %) ou encore les deux tiers des gastro-entérologues (67 %) s'installent aujourd'hui en secteur II.
Dans ce contexte, l'objectif de l'amendement, lit-on, est de «garantir une offre à tarif opposable» sur tout le territoire. Le député Yves Bur explique au « Quotidien » les deux raisons qui l'ont poussé à «ouvrir le débat» sur le secteur II.
La première est le nombre de sollicitations récentes des usagers sur les questions tarifaires. «Au cours de la dernière campagne électorale, c'est nouveau, de très nombreux électeurs se sont plaints auprès de moi des dépassements, argumente Yves Bur. Certains m'ont même affirmé que leur consultation commençait par une question du praticien sur la prise en charge du dépassement par la mutuelle. Dans certains territoires, et dans certaines spécialités, il n'existe plus aucune alternative au secteurII. A l'heure où il y a un gros problème de pouvoir d'achat des Français, on ne peut pas faire comme si cela n'existait pas...»
En avril 2007, un rapport de l'IGAS sur les dépassements d'honoraires médicaux avait évalué à «deux milliards d'euros» le montant total des dépassements (sur 18 milliards d'honoraires totaux), dont «deux tiers pèsent directement sur les ménages». Le même rapport soulignait que le taux de dépassement «augmente avec la concentration de spécialistes de secteurII», ce qui pose la question des difficultés dans l'accès aux soins .
La seconde raison qui a poussé le député alsacien à intervenir par voie d'amendement serait... le silence de l'Ordre des médecins, notamment sur la notion subjective de « tact et mesure » qui régit la détermination des honoraires. «L'Ordre semble se désintéresser de la question des dépassements et des dérives, je regrette qu'il n'assume pas mieux ses responsabilités»,accuse Yves Bur , qui a décidé de mettre lui-même les pieds dans le plat. Au risque d'entretenir certains amalgames entre les dépassements d'honoraires autorisés par les textes en vigueur et les pratiques abusives, ou carrément illégales, d'une petite minorité de praticiens.
Nouveau front.
Coup d'essai ? Coup d'épée dans l'eau ? Soutenu par une majorité de députés UMP en commission, l'amendement Bur risque, de l'aveu même de son auteur, d'être « retoqué » par le gouvernement, sans doute peu enthousiaste à l'idée d'ouvrir un front sur le secteur II après celui sur la liberté d'installation. «Je sais que le gouvernement est très prudent, on touche ici à l'essentiel...», ironise Yves Bur. Avant même le débat parlementaire, la branche spécialiste de la CSMF (UMESPE) s'est alarmée d'une éventuelle attaque contre le secteur II, «une mauvaise proposition à la vraie question de l'accessibilité aux soins pour tous».Son président Jean-François Rey dénonce même la proposition «délirante et irresponsable» d'un député «qui se fait plaisir» et risque de ressusciter le «discours de surenchère des coordinations». «Quelle mouche a piqué Yves Bur?, s'inquiète aussi Jean-Claude Régi, président de la Fédération des médecins de France (FMF), pour qui ce genre de signal négatif à la profession risque d'aggraver la «crise des vocations et des installations».
Pour les organisations de spécialistes, la seule issue acceptable serait la mise en place, cent fois réclamée, du secteur optionnel octroyant aux médecins un nouvel espace de liberté tarifaire sous forme de compléments d'honoraires encadrés remboursés. Mais les négociations tripartites (assurance-maladie, complémentaires santé, médecins) qui avaient été engagées ont été suspendues sine die.
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