Critères de diagnostic
Comme l'explique Josseline Kaplan (DR1 Inserm U393 Necker - Enfants-Malades, Paris), les patients atteints d'amaurose congénitale de Leber (ACL) présentent :
- un nystagmus congénital caractérisé par des oscillations pendulaires ; ces mouvements anormaux témoignent de l'absence de fixation de l'image sur la rétine ;
- une absence de poursuite oculaire de la lumière ou des objets ;
- des signes digito-oculaires dont le plus remarquable est le signe de Franceschetti : l'enfant exerce une pression mécanique avec les poings ou les doigts sur ses globes oculaires afin de se créer des stimuli lumineux artificiels.
Le pronostic visuel est le plus souvent très mauvais, l'acuité visuelle (AV) étant réduite à une perception lumineuse. Le fond d'œil (FO) a un aspect normal dans les premiers mois de la vie. Cependant, on peut constater un aspect de rétinopathie pigmentaire avec une gracilité des artères rétiniennes, une rétine poivre et sel, des points jaunâtres en périphérie. L'électrorétinogramme est constamment éteint.
L'examen clinique est capital
Comme le rappelle le Pr Jean-Louis Dufier (chef du service d'ophtalmologie de Necker - Enfants-Malades, Paris), l'importance de l'examen séméiologique se trouve totalement réhabilitée. Et, malgré des études moléculaires très complexes, l'examen clinique demeure capital.
L'examen ophtalmologique permet d'établir un diagnostic précis de la maladie phénotypique et de rechercher dans l'entourage qui est atteint, qui est indemne, qui est conducteur, à l'aide d'un examen généalogique systématique. En effet, poursuit le Pr Dufier, l'enquête familiale est indispensable pour la famille bien sûr, pour le généticien, pour le chercheur, pour l'étude de corrélation entre génotype et phénotype.
Ainsi, outre l'histoire naturelle de l'enfant incluant notamment son comportement à la lumière, une réfraction, une AV et un FO seront pratiqués.
Les études génétiques
La transmission de la maladie est héréditaire, récessive autosomique. Elle représente 5 % des dystrophies rétiniennes, soit une naissance sur 50 000 à 60 000.
Cette maladie présente une hétérogénéité génétique. Actuellement, 11 gènes ont été localisés et 8 ont été identifiés.
Les gènes mis en cause dans l'ACL
L'identification du premier gène a été établie en 1995 et concerne le retGC1 sur le chromosome 17 (guanylate cyclase spécifique de la rétine, renommée par la suite GUCY2D). Des mutations du gène GUCY2D sont responsables d'une dystrophie mixte des cônes et des bâtonnets (cone-rod dystrophy), cécitante dans la première décennie de la vie.
Un deuxième gène a été identifié, le gène RPE65, codant sur une protéine spécifique de l'épithélium pigmentaire impliquée dans le cycle des rétinoïdes. Ce gène possède un rôle dans la production des photopigments des bâtonnets et des cônes, notamment dans le renouvellement de chromophore (rod-cone dystrophy).
Par ailleurs, les gènes responsables d'ACL peuvent également être impliqués dans d'autres types de dystrophies rétiniennes.
Les différences d'expressivité clinique
Deux grands groupes d'enfants entre un et deux ans peuvent actuellement être individualisés. Le premier est déterminé par une photophobie majeure et concerne les patients porteurs de mutations dans le gène GUCY2D. Le second se caractérise par une gêne à la vision nocturne et concerne les mutants du gène RPE65.
La sélection des gènes à étudier est apportée par l'examen rigoureux de l'enfant qui donne des informations précises. Après l'âge de deux ans, quatre sous-types cliniques ont été individualisés (S. Hanein et al., « Hum Mut », 2004).
Le conseil génétique
Dans 47,9 % des cas d'ACL, les gènes ne sont pas dépistés. La grande hétérogénéité génétique de l'ACL implique de faire des études génétiques au cas par cas. En effet, la rencontre des sujets non-voyants est favorisée par leur regroupement dans les instituts. Les génotypages peuvent être différents, le pronostic aussi et, par conséquent, le conseil génétique s'adapte à chaque situation. Par exemple, les parents possédant des mutations, l'un du gène GUCY2D et pour l'autre du gène RPGRIP1 ont pu bénéficier d'un conseil génétique favorable et avoir des enfants indemnes. Ainsi, l'observation d'unions entre deux sujets atteints d'ACL pouvant donner naissance à des enfants indemnes illustre bien l'hétérogénéité génétique de cette maladie.
L'ACL entraîne toujours des désordres visuels très sévères, ce qui place cette pathologie au premier rang des essais thérapeutiques afin de réduire les difficultés sociales et professionnelles engendrées par une cécité et de soulager la souffrance des parents.
111e Congrès de la Société française d'ophtalmologie à Paris. Présentation du rapport "Oeil et génétique », J.-L. Dufier, J. Kaplan.
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