LES ENDOSCOPES souples existent depuis plus de trente ans. Leur calibre varie de 6 à 3 mm de diamètre. En pratique, chez l'adulte, les endoscopes utilisés font 5 mm de diamètre et permettent d'explorer jusqu'à la quatrième division de l'arbre bronchique. Ces endoscopes sont munis de canaux opérateurs de 2,8 à 1,7 mm de diamètre dans lesquels il est possible d'insérer des instruments, notamment des fibres optiques qui permettent de pratiquer de la microscopie locale et de progresser plus loin dans le territoire pulmonaire. La technique de microscopie confocale utilise cette possibilité et permet d'explorer très finement la structure fibrée de la membrane basale et la couche épithéliale des bronches. Mais, «ce qui est révolutionnaire, c'est que la microscopie confocale permet de voir le poumon profond, celui qui respire, c'est-à-dire la structure alvéolaire, comme jamais auparavant!», confie le Pr Luc Thiberville.
Microscopie et fluorescence se conjuguent pour matérialiser la structure broncho-alvéolaire.
La microscopie confocale fibrée en fluorescence s'est développée ces deux dernières années. Son principe est identique à celui de la microscopie confocale, mais l'objectif du microscope est remplacé par un trousseau contenant 30 000 fibres optiques constituant une minisonde de 1,4 mm de diamètre. Chaque fibre optique est traversée par un rayonnement laser d'une longueur d'onde connue. Un système de double miroir fait vibrer le rayonnement laser de telle sorte que la résultante de ce mouvement balaye chaque fibre, les unes après les autres. La minisonde est placée au contact du tissu et chacune des fibres optiques agit comme un microscope confocal isolé. Cette technique permet d'obtenir une imagerie microscopique, de contact et en temps réel. La taille de la minisonde en fait un très petit endoscope capable de rejoindre le territoire alvéolaire.
La construction des images repose sur l'autofluorescence naturelle de la paroi bronchique, utilisée depuis ces dernières années pour la détection précoce des dysplasies cancéreuses in situ (la lésion précancéreuse donne une image plus sombre). La minisonde est équipée d'un laser à 488 nanomètres capable d'exciter l'autofluorescence des structures de la paroi bronchique : collagène, élastine et flavines. Une seconde voie récupère le signal émis par fluorescence et réflectance. Les images sont reconstituées par ordinateur. Le système visualise tout particulièrement l'élastine et permet d'étudier le remodelage de la paroi qui se produit dans certaines pathologies. A titre d'exemple, au niveau des bronches, on observe qu'un cancer in situ, qui, par définition, n'a pas envahi la membrane basale, retentit néanmoins sur sa structure et provoque un remaniement de l'élastine, qui présentera des anomalies. «Les résultats de la microscopie confocale sont assimilables à une biopsie optique qui représente un vieux rêve. Grâce à elle, le clinicien accède à une imagerie microanatomique permettant de faire un diagnostic très précis de localisation de lésion cancéreuse et un diagnostic de gravité, puisqu'il est possible de déterminer la marge entre la lésion cancéreuse et non cancéreuse. Il sera également possible d'étudier l'histoire naturelle d'un certain nombre de lésions sans avoir à pratiquer de prélèvement histologique, ce qui est un avantage considérable, quand on sait que ces derniers modifient l'histoire naturelle de la lésion.» Il est plus difficile de voir la structure épithéliale, car il est nécessaire d'utiliser un fluorophore exogène. Ex vivo, l'acriflavine colore les noyaux cellulaires, mais semble difficilement utilisable in vivo du fait d'une activité mutagène. L'acriflavine peut être remplacée par le bleu de méthylène, qui est un puissant fluorophore qui fonctionne à 660 nm, fréquence laser également utilisable.
L'alvéoscopie est une réalité.
Grâce à cette minisonde de microscopie confocale, accéder aux territoires alvéolaires distaux devient réalisable. L'endoscope traditionnel est guidé jusqu'à la plus petite bronche périphérique ; la minisonde est alors poussée au travers du conduit opérateur de l'endoscope jusqu'aux territoires alvéolaires. Pour y accéder, il est nécessaire de pénétrer la paroi des bronchioles distales car les canaux alvéolaires ont un diamètre d'environ 600 microns inférieur à celui de la minisonde utilisée (1,4 mm). Cette exploration se pratique sous anesthésie locale et est totalement indolore. «Nous avons pratiqué au CHU de Rouen plus de 100 explorations de ce type, sans effet secondaire.»
La microanatomie de l'alvéole est désormais visible grâce à la reconstruction informatique des images. La structure tridimensionnelle de l'élastine qui compose la paroi de l'alvéole apparaît sous la forme d'un réseau de fibres circulaires. Chez le sujet fumeur, l'image est différente. Elle montre les macrophages alvéolaires fluorescents car ils sont chargés en fluorophores contenus dans les goudrons du tabac, eux-même intensément fluorescents à 488 nm. Elle confirme ce qui était déjà connu, à savoir que, chez les fumeurs, le goudron des cigarettes se dépose jusqu'au plus profond de l'arbre bronchique pour tapisser les alvéoles. Ainsi, la spectrométrie de l'alvéole du fumeur se superpose totalement à celle du tabac ! L'alvéoscopie reste aujourd'hui utilisée dans le cadre de protocoles de recherche pour explorer les pathologies interstitielles ou infiltrantes du poumon, susceptibles de modifier la répartition pulmonaire distale de l'élastine, comme les silicoses, les sclérodermies, les fibroses et beaucoup d'autres affections du poumon profond. «Elle permettra de suivre, dans le temps, l'évolution des lésions infiltrantes du poumon. Celles-ci représentent une problématique difficile conduisant souvent à une biopsie pulmonaire.épargner ce geste représenterait un grand pas en avant dans la prise en charge de ces pathologies fréquentes et très invalidantes.»
D'après un entretien avec le Pr Luc Thiberville, CHU de Rouen, clinique pneumologique, Rouen.
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