PIERRE-JEAN LANCRY remet aujourd'hui au ministre de la Santé son rapport sur les conséquences de la reconnaissance de la spécialité de médecine générale. Xavier Bertrand avait demandé en décembre au directeur de la santé de la Mutualité sociale agricole (MSA) de «procéder à un examen des questions posées par la réforme des études médicales de 2004 et de ses implications pour la médecine générale, tant du point de vue juridique que de la vie conventionnelle, de la représentativité syndicale et de l'exercice professionnel». Les propositions de ce document d'une centaine de pages devraient faire couler beaucoup d'encre dans les prochaines semaines. Car s'il souligne que la médecine générale est devenue aux termes de la réforme «une spécialité à part entière et une discipline universitaire», Pierre-Jean Lancry indique qu'il «subsiste toutefois une distinction en termes de qualification qui prête à confusion». Dans les codes de la Sécurité sociale, de l'éducation et de la santé publique, des différences sont maintenues entre médecins généralistes et spécialistes.
Le directeur de la MSA note donc que «l'on ne peut pas assimiler purement et simplement, en termes de nomenclature tarifaire, le C et le CS, spécialistes en médecine générale et autres médecins spécialistes».
Le directeur de la MSA préconise la création d'une nouvelle lettre clé, CG, réservée aux seuls spécialistes en médecine générale. Elle entrerait dans le cadre de la classification commune des actes médicaux (Ccam) cliniques, «en réfléchissant à ce qui devrait relever du paiement à l'acte ou d'autres modes alternatifs». L'adoption de cette nouvelle lettre clé relève de la négociation conventionnelle. Elle devra «prendre en compte les grands équilibres financiers du secteur et le cadre d'évolution de l'Objectif national des dépenses d'assurance-maladie (Ondam) », met en garde le rapporteur.
En attendant que tous les médecins généralistes soient requalifiés, le rapport préconise que le nouveau tarif CG soit réservé aux praticiens choisis comme médecin traitant par une majorité de leurs patients selon un taux qu'il appartient aux partenaires conventionnels de négocier.
La qualification de spécialiste en MG ne doit pas être « systématique ».
Pour éviter que le débat sur la qualification soit «pollué par la question de la tarification des spécialistes en médecine générale», Pierre-Jean Lancry trouve «impératif de traiter séparément les questions de qualification du stock des médecins généralistes en exercice et de la tarification applicable aux nouveaux spécialistes en médecine générale». Pour être reconnus spécialistes, les omnipraticiens en exercice devront obtenir la nouvelle qualification de spécialiste de médecine générale délivrée par le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom). Le rapport s'oppose toutefois à la qualification «systématique» ou «en bloc» par l'Ordre qui serait «non rigoureuse» et conduirait à «déprécier» la discipline. «La procédure d'examen individuel est seule à pouvoir garantir uneapproche sereine de la qualification. Elle devrait s'appuyer sur des critères liés à la pratique effective de la médecine générale». Le rapport évoque deux manières de procéder à cette qualification individuelle des médecins : par le biais de jurys universitaires et par la procédure ordinale.
Le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche a proposé la validation des acquis et de l'expérience par l'université. Un projet de décret sur cette démarche est d'ailleurs en préparation. Il a obtenu l'avis favorable du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser). L'Ordre procéderait de son côté à la qualification des médecins en s'appuyant sur les critères proposés par la commission de première instance de qualification : formation initiale et continue, activité professionnelle, publication et travaux de recherche, services rendus, permanence des soins...
Le Cnom n'a pas attendu la remise du rapport Lancry pour demander à ses conseils départementaux d'accorder la qualification de spécialiste de médecine générale à tous les omnipraticiens exerçant en France qui en feraient la demande (« le Quotidien » du 15 février). Devant l'ampleur de la tâche – l'examen de plusieurs dizaines de milliers de dossiers –, le rapport suggère la mise en place d'un échéancier.
Enfin, M. Lancry souligne qu'il n'existe pas d'obstacle juridique à ce que les médecins puissent négocier une convention unique. Il faudrait pour cela «modifier le code de la Sécurité sociale en ce sens et revoir la représentativité des différents syndicats».
Des enjeux majeurs.
Le rapport Lancry soulève autant de questions qu'il apporte de réponses. Il ne manque pas de susciter des réactions très diverses chez les syndicats de médecins libéraux qui y voient une «reconnaissance», une «opportunité» ou un «non-sens». Le Cnom refuse de s'exprimer sur le sujet avant de connaître les orientations retenues par le ministre de la Santé. Les langues devraient rapidement se délier car les suites données à ce rapport par le gouvernement seront capitales pour le statut et la rémunération des généralistes, le rôle de l'Ordre dans la procédure de qualification et la place de la médecine générale à l'université. Xavier Bertrand aura-t-il seulement le temps de démêler cet écheveau avant de quitter ses fonctions ?
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