LE COUPERET est tombé le 29 mai, deux jours avant la date limite. Pour la première fois de sa courte histoire, le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses maladie, créé par la réforme de 2004, composé de trois experts indépendants, a décidé de sonner le tocsin en déclenchant la procédure officielle qui impose aux pouvoirs publics d'arrêter en urgence des mesures de redressement financier.
Depuis quelques jours, seule la date précise de l'alerte, et non son principe, acquis, entretenait encore le suspense (« le Quotidien » du 25 mai). Les choses sont claires désormais. «Il existe un risque sérieux de dépassement supérieur à 0,75% de l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie (Ondam) fixé pour 2007»,a tranché le comité dans un court avis. Il convient donc de «notifier» ce risque de dérapage au Parlement, au gouvernement et aux caisses nationales d'assurance-maladie auxquelles il appartient, sous un mois, de faire des propositions précises pour corriger le tir.
Au-delà de son aspect technique, l'intervention du mécanisme d'alerte est une décision politique grave qui, forcément, sera interprétée par certains comme l'échec des mécanismes actuels de régulation, et même de la réforme de l'assurance-maladie fondée sur la modification des comportements des assurés et des prescripteurs. Déjà, le bureau national du PS juge péremptoire que le comité d'alerte «signe définitivement l'échec de la réforme Douste-Blazy».
Soins de ville : un taux « intenable »... non tenu.
Sur le papier, la dérive constatée des dépenses n'est pas anodine. Le comité estime que la croissance de consommation des « soins de ville » (poste qui comprend les honoraires, mais aussi les produits de santé) «s'oriente versun taux supérieur à 3% pour l'année, soit deux points de plus que le taux draconien autorisé pour ce secteur (1,1 %) dans la loi de financement de la Sécu pour 2007.
D'une certaine façon, les syndicats médicaux avaient raison de crier au loup : ce taux jugé «intenable» en ville ne sera pas tenu, loin s'en faut. Selon le comité, l' «accélération de la tendance de fond des dépenses» (renforcée par le contexte épidémique des premières semaines de 2007),la «non-réalisation d'une partie des économies» prévues lors de l'élaboration de l'Ondam et la «révision de la base de 2006» (l'an passé, déjà, un surcroît imprévu de 500 millions de dépenses avait été constaté) conduisent à un dépassement du poste des soins de ville «de l'ordre de 2milliards d'euros en 2007». Il aurait fallu limiter la dérive à 1,1 milliard pour rester sous le seuil de la procédure d'alerte.
Les établissements de santé de leur côté seraient à peu près dans les clous. Même si «les délais de remontée des informations sont plus longs», le comité juge qu' «il n'existe pas à ce stade d'éléments permettant de remettre en cause de façon significative, en plus ou en moins, la réalisation du sous-objectif concerné». Autrement dit, c'est le secteur ambulatoire qui porterait la responsabilité du dérapage. Plutôt avare de précisions, le comité relève la «reprise assez forte des indemnités journalières, après trois années de baisse».
Qui va payer ?
Depuis plusieurs semaines, déjà, la Cnam se prépare au déclenchement de l'alerte. Son directeur, Frédéric Van Roekeghem, a annoncé mardi en commission qu'il travaillait à un plan de 900 millions d'euros d'économies. «Ce volume nous a été donné, mais les modalités ne sont pas arrêtées, précise au “Quotidien” André Hoguet, président Cftc de la commission de suivi des dépenses à la Cnam. Ce sera une multitude de décisions, avec une recherche d'équilibre entre les professionnels de santé et les assurés sociaux.» Parmi les pistes à l'étude, l'augmentation des pénalités de remboursement des assurés hors parcours de soins, mais aussi, côté médecins, des «ajustements de tarifs» pour les spécialités jugées trop « dynamiques », comme la radiologie.
Faut-il craindre un vaste plan de maîtrise comptable, à rebours de la réforme de 2004 ? Les pouvoirs publics, pour l'instant, écartent cette hypothèse. D'autant que le dynamisme des recettes apporte un ballon d'oxygène aux comptes de la Sécu et conduit le gouvernement à confirmer sa prévision de déficit du régime général autour de 8 milliards en fin d'année. Roselyne Bachelot a déjà précisé qu'elle «ne prévoit pas de déremboursements de médicaments» et mise sur l'intensification de la maîtrise médicalisée dans le domaine des IJ, des génériques ou des ALD. Avec Eric Woerth, ministre du Budget et des Comptes publics, la ministre de la Santé précise dans un communiqué que le gouvernement sera attentif à ce que les accords signés avec les professionnels «soient respectés» et s'accompagnent du «renforcement» de la régulation médicalisée. La Cnam annonce de son côté que les mesures de redressement qu'elle présentera à la fin juin «s'inscriront dans la logique de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé et de la promotion de l'efficience du système de soins». Des campagnes de sensibilisation du grand public pourraient reprendre (antibiotiques, statines, transports sanitaires). Et pour rendre la convention plus efficace, les commissions paritaires locales caisses-médecins devraient se réunir plus fréquemment. Cela suffira-t-il ?
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