D'après de nombreux travaux, 90 % des suicides sont associés à un ou plusieurs troubles psychiatriques au moment de l'acte, notamment la dépression (dans 50 % des cas) et l'alcoolisme (dans 30 % des cas). Chez les suicidés et chez les personnes suicidantes (ayant tenté de se suicider), la fréquence de l'alcoolodépendance est significativement majorée par rapport à celle observée dans la population générale. Autre chiffre clé : 70 % des alcooliques déprimés ont fait au moins une tentative de suicide dans leur vie.
Cependant, les liens entre alcool et suicide semblent plus complexes. L'évolution temporelle du suicide et des tentatives de suicide diverge de celle de la consommation d'alcool. Alors qu'on observe depuis plus de vingt-cinq ans en France une diminution de la consommation d'alcool et une diminution de plus de 50 % de la mortalité par alcoolisme et cirrhose alcoolique, le taux des conduites suicidaires ne cesse d'augmenter.
Comme le souligne Marie Choquet (INSERM), lors de la 23e matinée de l'IREB (Institut de recherches scientifiques sur les boissons), le lien alcool-suicide existe, mais il s'agit plutôt d'un facteur aggravant qu'étiologique. Ainsi, il apparaît variable selon l'âge, la gravité de la dépendance à l'alcool ou aux autres drogues.
En outre, le poids de la culture joue un rôle important. En France, la carte des taux de mortalité par alcoolisme les plus élevés est superposable à celle des taux de suicide les plus forts, tandis qu'il en va autrement au Portugal où les régions les plus touchées par les tentatives de suicide correspondent aux régions où la mortalité par cirrhose est plus faible. Au Danemark, on a observé chez les sujets alcoolodépendants une chute des suicides avec la consommation d'alcool, alors que le taux des suicidés chez les personnes non alcoolodépendantes est resté stable.
Troubles psychiatriques
La dépression est le trouble comorbide le plus important de l'alcoolodépendance dans la crise suicidaire, mais d'autres facteurs de risque sont reconnus : les troubles psychiatriques préexistants, les pathologies somatiques (14 % de personnes se suicident dans le mois suivant une gastrectomie), la consommation de substances psychoactives illicites, en particulier la cocaïne, la personnalité antisociale. Les événements de la vie sont fréquemment retrouvés chez des alcooliques suicidants, notamment des situations d'isolement, des foyers dissociés, des problèmes de relations familiales ou des difficultés professionnelles.
Quant à l'alcoolisation elle-même, son début précoce et sa sévérité sont des facteurs péjoratifs du pronostic de l'alcoolodépendance.
Il a été montré que l'utilisation de l'alcool est fréquente dans les heures précédant le geste suicidaire ou au moment du passage à l'acte. En effet, l'alcool agit comme un psychotrope qui va lever les inhibitions du suicidant et faciliter son geste. Les spécialistes évoquent des difficultés du suivi, avec des patients peu compliants. De même, chez les alcooliques non déprimés, les gestes suicidaires sont marqués par une moindre intentionnalité et plus d'impulsivité. Cela pose problème dans la stratégie d'intervention mise en place pour prévenir le suicide. « La fréquence des gestes suicidaires chez l'alcoolodépendant, la fréquence de la dépendance alcoolique chez les suicidants et la fréquence de la consommation d'alcool au moment de la tentative de suicide doivent faire souligner l'importance d'une prise en compte du risque suicidaire de façon systématique et spécifique », conclut le Pr J.-D. Favre.
D'après les communications du Pr J.-D. Favre (hôpital d'instruction des armées, Percy) et M. Choquet (INSERM).
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