UN CONDUCTEUR qui a fumé du cannabis a presque deux fois (1,8) plus de risque qu'un abstinent de causer un accident mortel. Pour l'alcool, le sur-risque est encore plus élevé, puisqu'il s'élève à 8,5 en moyenne et à 2,7 sous le seuil légal de 0,5 g/l. C'est ce que révèle l'enquête SAM (Stupéfiants et Accidents mortels de la circulation). Ces résultats proviennent d'un travail scientifique sur le dépistage systématique des drogues lors d'accidents mortels entre le 30 septembre 2001 et le 1er octobre 2003. L'étude a été réalisée dans le cadre de la loi Gayssot sur la sécurité routière du 18 juin 1999.
Une promesse de validation scientifique.
Inédite, l'enquête SAM a permis à l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (Ofdt) de recueillir quelque 17 000 dossiers auprès des parquets, des gendarmeries et des commissariats, dont un peu plus de 10 700 étaient exploitables. C'est une équipe pluridisciplinaire (chercheurs polyvalents, accidentologistes de Renault et PSA, etc.) dirigée par le Dr Bernard Laumon, de l'Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (Inrets), qui a examiné les résultats. Financée par la direction générale de la Santé (533 571 euros), l'étude était soutenue par le ministère des Transports et la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie. Terminée depuis mai 2005, elle doit recevoir une validation scientifique, avec une prochaine publication dans le « British Medical Journal », explique au « Quotidien » le Pr Claude Got, responsable du collège scientifique de l'Ofdt, qui entend garder le silence tant que les institutionnels n'auront pas pris la décision de communiquer officiellement. « On a dit tellement de bêtises sur le sujet ! », souligne le spécialiste en accidentologie.
Pour l'heure, les principaux points forts de l'enquête - mis sur la place publique officieusement, comme pour embarrasser les idéologues de la culture alcool-pourfendeurs du cannabis - parlent d'eux-mêmes.
3 % des conducteurs positifs au cannabis et 3 % à l'alcool.
La part des accidents de la route mortels directement liée au cannabis est de 2,4 %, ce qui représente 170 décès, et celle des boissons alcoolisées, de 28,5 %, soit 1 940 tués. Même le buveur « modéré », conformément au seuil du taux légal d'alcool dans le sang (en deçà de 0,5 g/l, il n'y a pas de sanction), est plus fréquemment que le fumeur de cannabis la cause d'un accident mortel (3,3 %). En fait, le risque alcool augmente très rapidement en fonction de la quantité absorbée : de 2,7 entre 0 et 0,5 g/l, il est multiplié par 7 entre 0,8 et 1,2 g/l, puis par 40 au-dessus de 2 g/l. Tous niveaux d'alcoolémie confondus, le facteur de sur-risque d'entraîner un accident mortel est de 8,5.
« Dix-sept pour cent des accidents mortels (sont) liés à l'usage de stupéfiants », déclarait Dominique de Villepin le 24 janvier 2005, alors qu'il était ministre de l'Intérieur. Cependant, si le cannabis tue 11 fois moins que l'alcool, il se révèle plus meurtrier chez les conducteurs hommes âgés de moins de 25 ans. Richard Dell'Agnola, l'élu qui a inspiré la loi du 3 février 2003 réprimant la conduite sous l'empire de la drogue, estime que 20 % des automobilistes de moins de 27 ans concernés par des accidents corporels conduisent sous l'effet du tétrahydrocannabinol (THC).
Le travail de l'Ofdt et de l'Inrets, le premier du genre à évaluer le risque du cannabis au volant, fait apparaître qu'il y a autant de conducteurs positifs à l'alcool (5 g/l et plus) qu'au THC (quelle que soit la quantité fumée), 3 % dans les deux cas.
Un barème de sanctions à corriger.
Les chercheurs de l'Inrets constatent que le fait de fumer du haschisch ou de boire accroît la probabilité de mourir dans un accident de la route, alors que le conducteur n'en est pas responsable. Ils dénombrent 50 morts par an dans ces conditions avec le cannabis et 330 avec l'alcool. En revanche, l'étude n'est pas concluante pour les autres substances illicites, amphétamines, cocaïne et opiacés.
Au total, les politiques ne devraient pas manquer de s'interroger sur le barème actuel des sanctions appliquées aux contrevenants aux règles de la conduite automobile. C'est là, d'ailleurs, la portée de l'enquête souhaitée par le législateur. Avec la loi du 3 février 2003 qui instaure un délit de conduite sous l'empire de stupéfiants (trois ans de prison, 9 000 euros), la tolérance pour le THC est nulle, tandis que, pour les boissons alcoolisées, le seuil à ne pas atteindre et à ne pas dépasser est de 0,5 g/l. Le contrevenant (ou celui qui refuse un dépistage sanguin) risque deux ans d'incarcération, 4 500 euros d'amende et une suspension du permis de trois ans au maximum. En cas de récidive, les peines sont doublées, le véhicule confisqué et immobilisé pendant un an, et le permis, annulé avec interdiction de le repasser avant deux ans.
Rappelons que la vitesse intervient dans un accident mortel sur deux et l'alcool, dans un sur trois.
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