AVEC 13 MILLIONS de buveurs réguliers, dont 6,4 millions quotidiens, la France est en 2003, selon l’OMS, le sixième pays le plus consommateur d’alcool, majoritairement sous forme de vin. Un Français boit un peu moins de trois verres par jour. Tous n’en meurent pas, hormis 45 000. Dans la population masculine, l’alcool entraîne une surmortalité de 30 % par rapport à la moyenne européenne.
A lire le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (« BEH ») du 12 septembre consacré à l’alcool en France, l’espoir pourrait venir des jeunes, qui, dans la Communauté européenne, sont moins nombreux à être des buveurs réguliers (Marie Choquet). Pourtant, l’étude de l’application des règlements interdisant la vente d’alcool aux moins de 16 ans ne prédit rien de bon, sachant que 25 % des vendeurs de boissons à emporter ont des «pratiques incertaines» et qu’un autre quart pense que la bière n’est pas frappée d’interdit.
Les consommations problématiques.
Au pays de la culture, celle des vignes en particulier, une consommation régulière ou quotidienne ne signifie rien, si ce n’est que l’alcool est associé à un simple produit de consommation courante. Il en irait tout autrement si l’alcool était officiellement rangé parmi les psychotropes. La notion de «consommation problématique» (abus-dépendance) est encore trop peu répandue. Or moins de deux verres par jour (20 g d’alcool) entraînent une baisse de la mortalité (cardio-vasculaire), tandis que le risque du cancer du sein existerait à partir d’un verre. De deux à cinq verres, la cirrhose est en point de mire, comme l’hypertension artérielle et l’accident vasculaire cérébral, ou, à un moindre degré, le cancer des voies aérodigestives supérieures (Vads).
Le dépistage des abus et des dépendances (test Deta ou Audit-C en 2002) fait apparaître que 18 % des hommes et 6 % des femmes ont consommé plus que le seuil recommandé (trois verres pour les premiers, deux pour les secondes). Selon le test Deta, 4 millions de personnes (13 % des hommes, 4 % des femmes), présenteraient un risque d’usage problématique d’alcool.
D’après Audit-C, 410 000 personnes, soit 0,9 % des 12-75 ans, auraient un risque élevé de dépendance, et 3,6 millions (13,5 % des hommes, 2,5 % des femmes) un fort risque d’alcoolisation chronique. En santé mentale, une étude Cidi** de 2001 révèle que 9 % des hommes et 2,5 % des femmes éprouveraient, au cours de leur vie, des troubles psychiatriques associés à l’abus de boissons alcooliques ou à la dépendance. Parmi les plus de 65 ans, la prévalence d’une consommation problématique varie de 2 à 14 %, et, en institution, de 20 à 25 %.
Une morbidité mal documentée.
Dans ce contexte, «le poids de l’alcool dans la morbidité française est assez mal documenté», écrivent dans le « BEH » Tiphaine Canarelli, Agnès Cadet-Tairou et Christophe Palle, de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (Ofdt). En 2004, un peu moins de 100 000 hospitalisations en rapport direct avec un usage excessif de l’alcool ont été recensées, dont 60 500 pour intoxication aiguë, et 27 000 demandes de sevrage.
Cent mille autres personnes ont été accueillies, dans le même temps, dans des structures spécialisées en alcoologie. «Ces données mesurent essentiellement le suivi de la dépendance et la morbidité aiguë», soulignent les auteurs. La seule information épidémiologique portant sur la morbidité chronique tient à la prévalence des cirrhoses alcooliques, entre 1,5 et 2,5 pour 1 000 habitants. Par ailleurs, le syndrome d’alcoolisation foetal toucherait 5 naissances pour 1 000 quant aux formes modérées et 1 ou 2 pour les sévères.
Au chapitre de la mortalité, une seule certitude : l’alcool reste la deuxième cause de décès évitable en France. En 2002, ce sont 22 117 morts (17 349 hommes) qui lui ont été directement attribuées, dont 10 481 cancers des Vads, 8 515 cirrhoses et 3 181 psychoses alcooliques (sujets dépendants). L’Inserm ne fait pas état des morts violentes, pas plus que des effets aggravants sur d’autres pathologies dont l’alcool peut être responsable. Aussi, en l’état actuel, le chiffre est porté à 45 000 (Catherine Hill, 1995) si l’on considère l’ensemble des décès où l’alcool intervient comme cause associée, avec notamment 2 270 tués sur les routes (étude SAM 2001-2003). Au total, 14 % des décès masculins – dont 1 sur 2 avant 65 ans – versus 3 % chez les femmes, sont imputables aux boissons alcooliques. Une réflexion est aujourd’hui en cours, en particulier au sein de l’Ofdt, pour actualiser les modalités de calcul de la mortalité à partir de données plus récentes.
La réduction de la consommation des boissons alcooliques constitue un objectif stratégique de la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004 comme du plan quinquennal de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l’alcool. Dans cet esprit également, les Drass sont invitées à organiser, d’ici à la fin de novembre, des forums d’information qui s’achèveront par des états généraux sur l’alcool au ministère de la Santé, le 5 décembre. Ce jour-là, les boissons alcooliques seront peut-être officiellement considérées comme des psychotropes, ce qui constituerait une révolution attendue et souhaitée par les acteurs de la prévention, et les médecins en particulier.
* Numéro thématique « Alcool et santé en France, état des lieux », n° 34-35.
** Cidi : Composite International Diagnostic Interview.
– Les buveurs d’alcool de 45-75 ans contribuent à 60 % de la consommation totale, les 12-44 ans à 40 % et les hommes à 73 %.
– 77 % boivent moins de 2,7 verres par jour (60 % de la consommation) et 82 % moins de 5,5 verres (87 %).
–Objectif de la loi du 9 août 2004 : faire passer la consommation de 9,3 l d’alcool par an et par habitant en 2003 à 8,5 l en 2008 (10,7l en 1999)*.
Baromètre santé 2005, Inpes/Pierre Arwidson, Christophe Léon, Juliette Guillemont, « BEH » du 12 septembre.
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