L’ALCOOL CONSOMMÉ en quantité abusive est immunodépresseur et augmente la propension aux infections bactériennes graves (tuberculose, pneumonie, péritonite bactérienne), tout comme aux infections virales. A l’inverse, des études épidémiologiques ont suggéré qu’une consommation en petite quantité réduit l’incidence des maladies cardio-vasculaires.
L’alcool ayant une influence sur le fonctionnement de l’immunité, quelle est son action dans le domaine des maladies auto-immunes, dont le développement est multifactoriel (association de déterminants génétiques et environnementaux) ?
La prise d’éthanol en quantité réduite a été associée par certains auteurs à un risque réduit de LED (lupus érythémateux disséminé), maladie auto-immune complexe, tandis que d’autres ont réfuté cette association. L’association avec la polyarthrite rhumatoïde a été l’objet d’études épidémiologiques, sans qu’une conclusion claire ait pu être tirée. On se souvient des études sur le régime méditerranéen, qui montrent que cette diététique, caractérisée par la présence d’acides gras polyinsaturés et monosaturés et une consommation modérée de vin, améliore le cours de la PR.
Ing-Marie Jonsson et coll. se sont donné comme objectif de déterminer si une consommation d’éthanol en petites quantités, non toxiques pour le foie, pourrait avoir un effet sur le déclenchement et le déroulement de la PR. Les chercheurs de Göteborg ont travaillé sur un modèle de PR humain, sous la forme de souris immunisées contre le collagène de type II, ce qui induit l’installation d’une CIA, ou Collagen Type-II Induced Arthritis.
On a donné à ces souris de l’éthanol à petites doses, et on a évalué le développement de la CIA et l’impact de l’éthanol sur les facteurs biologiques : la migration des leucocytes et l’activation des facteurs de transcription intracellulaires. On les a comparées à des souris témoins ne prenant pas de boisson alcoolique. On observe, d’une part, que les souris exposées quotidiennement à l’alcool (10 % d’éthanol ajouté à l’eau de boisson) n’ont pas présenté de toxicité hépatique (comme en témoignent les taux des s-ALAT, s-ASAT et de la gamma GT). Le poids des animaux est resté identique dans les deux groupes. Mais, d’autre part, le développement de la CIA a été presque totalement annulé (5 souris sur 25 ont présenté une CIA), tandis que la presque totalité des souris contrôles (23/27) ont présenté une arthrite érosive induite. Les souris qui ont bu l’eau additionnée de 10 % d’éthanol ont présenté une arthrite induite de sévérité moindre (p < 0,0001) par rapport aux souris témoins.
Une destruction du cartilage moins prononcée.
L’histologie montre une destruction du cartilage moins prononcée. L’arthrite est demeurée non destructrice, même à un stade avancé. On constate que le métabolite principal de l’éthanol, l’acétaldéhyde, prévient aussi le développement de l’arthrite (confirmé en ajoutant de l’acétaldéhyde à l’eau de boisson). Les médiateurs impliqués dans l’inflammation ont été mesurés. Chez les souris qui ont eu l’éthanol, l’IL6 (cytokine pro-inflammatoire) est réduite ; l’IL10 (anti-inflammatoire) est augmentée. Toutefois, les anticorps associés à la présence du collagène de type II, qui eux-mêmes participent à l’arthrite, ne sont pas influencés par l’éthanol (administration des anticorps, qui ne modifie pas la CIA). Pour les auteurs, l’effet de l’éthanol est plus prononcé sur le déclenchement de l’arthrite que pendant qu’elle progresse, période au cours de laquelle intervient la réponse anticorps. Cette propriété anti-inflammatoire et antidestructrice de l’éthanol est médiée par divers mécanismes : une inhibition de la migration des leucocytes ; une régulation positive de la sécrétion de testostérone, qui elle-même produit une réduction de l’activation de NF-kappa B (facteur nucléaire de transcription de cytokine et de métalloprotéine) ; une réduction de l’IGF1 et du cortisol.
Les auteurs concluent : l’administration d’alcool en continu et en quantité réduite retarde l’installation d’une arthrite induite ; elle en ralentit aussi la progression, même si c’est dans une moindre mesure. Et, selon eux, cet effet est médié par une interaction entre l’éthanol et le système immunitaire inné.
« Proc Natl Acad Sci USA », édition avancée en ligne.
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