Le succès d'une méthodologie originale

L'alcool est un facteur indépendant du risque d'HTA

Publié le 11/03/2008
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LA CONSOMMATION d'alcool est un facteur de risque d'HTA, on le sait. Ce qui a été établi principalement par des études observationnelles, sujettes à l'influence de biais confondants. Les études cliniques sont par ailleurs difficiles à mettre en oeuvre et ont un suivi limité.

Une méthode de « randomisation mendélienne » peut fournir des preuves plus robustes sur la nature de cette association, estiment Lina Chen et coll. qui ont utilisé un polymorphisme courant : l'enzyme aldéhyde déshydrogénase 2 (ALDH2).

Le gène ALDH2 code une enzyme qui est au premier plan du métabolisme de l'alcool. Les individus homozygotes pour un variant inactif expérimentent très rapidement des effets secondaires de l'alcool (flushs et nausées). De ce fait, ils en boivent considérablement moins que les individus homozygotes pour la forme sauvage du gène, ALDH2*1*1 ou même hétérozygotes.

Le génotypage d'ALDH2 peut être considéré comme un marqueur de substitution de la consommation d'alcool.

Partant de là, Lina Chen et coll. ont testé l'hypothèse que ce polymorphisme, en influant sur le comportement vis-à-vis de l'alcool, pourrait avoir un effet sur le risque d'hypertension.

Ils ont donc étudié l'association entre le génotype d'ALDH2 et la tension artérielle. Ils ont conduit leur travail sous la forme d'une métaanalyse dans laquelle on a utilisé le génotype d'ALDH2 en tant que marqueur des différents niveaux de prise d'alcool. Cinq études, avec un total de 57 658 personnes, ont été prises en compte.

«Nous trouvons que les individus qui ont le génotype ALDH2*1*1, avec une prise d'alcool de 20 à 30g/j, ont une TA systolique significativement plus élevée que ceux qui ont le génotype ALDH*2*2 et qui tendent à ne boire que de faibles rations d'alcool.»

Un risque multiplié par 2,5.

L'analyse montre aussi que le risque d'HTA parmi les homozygotes *1*1 est environ 2,5 fois supérieur à celui des homozygotes *2*2. Chez les hommes, on obtient un odds ratio de 2,42 pour l'HTA, en comparant les homozygotes *1*1 et *2*2 (p = 4,8 x 10 puissance - 6). Et un odds ratio de 1,72 en comparant les hétérozygotes avec les homozygotes *2*2.

Par ailleurs, en considérant les chiffres de la TA, on observe qu'en moyenne la PAS est de 7,44 mmHg plus élevée parmi les *1*1 que parmi les *2*2 (p = 1,1 x 10 puissance - 12) et de 4,24 mmHg plus élevée chez les hétérozygotes *1*2 que chez les homozygotes *2*2 (p = 0,00005).

La randomisation mendélienne.

Ainsi, ces observations montrent un effet fort de la consommation d'alcool sur la tension artérielle. Comme il est difficile de mettre en oeuvre une étude clinique qui assignerait de manière randomisée des personnes à consommer différentes quantités d'alcool, la randomisation mendélienne est une méthode intéressante dans ce contexte. Les variants génétiques étudiés n'ont pas d'effet sur d'autres facteurs du mode de vie que sur la consommation d'alcool. L'association entre le génotype et la pression artérielle indique donc que la prise d'alcool exerce un effet sur la pression sanguine en limitant l'intervention d'autres facteurs confondants.

Cependant, ces derniers, s'ils sont peu probables, ne peuvent être totalement écartés. Les gènes sont souvent hérités en bloc et la possibilité d'un gène voisin d'ALDH2 ayant un effet sur un autre métabolisme n'est pas exclue.

Des études de plus grande ampleur sont nécessaires pour étudier ces notions et pour confirmer sur une plus large échelle l'association trouvée.

Enfin, sur un plan pratique, l'étude conforte la notion que la prise d'alcool peut constituer un facteur de risque d'HTA sur lequel il est possible d'avoir une action. Certains cas d'hypertension peuvent être évités ou traités en encourageant les personnes à réduire leur prise quotidienne d'alcool.

Lina Chen et coll. « PLoS », édition en ligne.

> Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8330