On croyait tout savoir sur l'alcool au volant, tout en invoquant la fatalité : on lui doit 30 % des 8 000 accidents mortels annuels et l'alcoolémie zéro est la dernière chose à laquelle on songerait au pays de la dive bouteille. Une récente analyse sur le sujet, des plus exhaustives, apporte des éclairages nouveaux. Conduite par le Dr Michel Reynaud, psychiatre et alcoologue*, elle porte sur 564 005 accidents corporels survenus entre septembre 1995 et décembre 1999.
Premier enseignement : les accidents les plus fréquemment mortels se produisent de nuit, et plus encore le samedi-dimanche, et en particulier ceux à un seul véhicule survenant par perte de contrôle qui représentent les deux tiers des morts.
L'alcoolémie est positive dans 30,6 % des accidents mortels, contre 8,8 % pour les autres accidents. La nuit, la proportion monte à 61,4 % des accidents mortels, et les samedis-dimanches à 66,7 %. Parmi les conducteurs qui ont provoqué un accident par perte de contrôle, les deux tiers affichent une alcoolémie supérieure à 0,5 g/litre ; c'est le cas aussi d'un piéton tué sur trois. En outre, plus il y a de morts, plus les buveurs ont pris le volant. Ainsi, de 30,6 % pour l'ensemble des accidents mortels, l'alcoolémie délictuelle passe à 75,9 % avec 3 tués les nuits de samedi-dimanche, voire à 87,5 %, dans les mêmes conditions, quand l'accident ne concerne qu'un véhicule. Dernière leçon de l'étude du Dr Reynaud : le jeune âge n'est pas toujours en cause. Si les moins de 25 ans (13 % de la population) paraissent « fort impliqués » dans les accidents mortels, avec un taux de 22 %, et même 43 % les samedis-dimanches de nuit, ce n'est pas l'âge « qui explique cette surmortalité mais uniquement l'alcoolémie ».
Au total, concluent les enquêteurs, « on peut schématiquement énoncer qu'une alcoolémie positive multiplie le risque d'avoir un accident par 4, par 6 un accident avec blessures corporelles, par 20 un accident mortel, par 40 un accident mortel la nuit, et par 50 ou plus un accident mortel les nuits de samedis-dimanches ». Pour autant il n'est absolument pas question, dans l'esprit des pouvoirs publics, d'appliquer une alcoolémie zéro (« le Quotidien » du 19 septembre, entretien avec Gilles de Robien, ministre des Transports), et encore moins de contrôler un peu plus la vente voire la production de boissons alcooliques.
Le ministre délégué au Budget, Alain Lambert, a d'ailleurs confirmé devant le Sénat, le 26 novembre, la réduction des droits payés par les bouilleurs de cru (certes, simples distillateurs familiaux d'alcool) sur les dix premiers litres d'alcool pur, dans le cadre du projet de loi de Finances pour 2003... « Je voudrais marquer ce quinquennat par un grand chantier, mais qui n'est pas de pierre. C'est la lutte contre l'insécurité routière. Je suis absolument horrifié par le fait que les routes françaises sont les plus dangereuses d'Europe », déclarait Jacques Chirac le 14 juillet dernier.
* Le Dr Reynaud exerce dans le département de psychiatrie et d'alcoologie de l'hôpital universitaire Paul-Brousse de l'AP-HP, à Villejuif (Val-de-Marne). L'étude a été publiée dans « La Revue du Praticien - Médecine générale » du 25 novembre.
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