A LA FIN du XIXe siècle, les neurologues ont localisé au niveau du cortex associatif temporal une aire spécifique, dédiée à l’action complexe de reconnaissance des visages, en étudiant chez des malades la perte de la capacité à reconnaître des visages (la prosopagnosie, du grec prosopons, personne, et agnosia, absence de connaissance). Ce qui continue à faire l’objet d’intenses recherches. On a constaté que, après l’atteinte du lobe temporal droit (chez les droitiers), les patients peuvent devenir incapables d’identifier des personnes familières, voire incapables de dire qu’il s’agit d’un visage, alors qu’ils savent qu’on leur présente un stimulus visuel.
Cette notion est illustrée par le cas d’un pasteur publié par N.-L. Etcoff et coll. en 1991. A l’âge de 18 ans, l’homme avait subi un traumatisme crânien sévère dans un accident de voiture. A 40 ans, il était incapable de reconnaître les visages familiers ou de les décrire de mémoire. Il a pu avoir une vie professionnelle normale, car il distinguait quand même les émotions inscrites sur les visages et reconnaître les personnes par d’autres critères physiques (voix, démarche...). Il présentait des difficultés du même ordre, mais moindres, pour reconnaître les animaux.
L’imagerie montra alors que la prosopagnosie était due à une lésion du lobe temporal droit.
Les travaux plus récents d’imagerie cérébrale ont confirmé cette notion en l’affinant : chez les sujets normaux, le cortex inférotemporal intervient dans la reconnaissance des visages, alors que les régions adjacentes sont responsables de la reconnaissance de catégories différentes de stimulus. Les lésions du lobe temporal droit s’accompagnent d’agnosie des visages et des objets, tandis que l’atteinte du lobe homologue à gauche entraîne des difficultés d’ordre verbal.
Plus récemment encore, des chercheurs, français, notamment (Francisco Varela et coll.), ont montré que la reconnaissance des visages, bien qu’elle soit spécifique, comme toute activité cérébrale, implique la mise en activité de zones multiples en connexion les unes avec les autres, avec la synchronisation nécessaire d’un ensemble de neurones dispersés. En outre, on s’est aperçu (Richard Le Grand et coll., Hamilton, Canada) que le processus d’analyse des visages se met en place dès le tout début de la vie du bébé. Même traité, un trouble congénital de la vision (comme une cataracte congénitale) peut avoir des conséquences définitives sur ce processus. Au cours des premiers mois de la vie, l’enfant a une faible acuité visuelle, et il apprend à définir le contour global et la localisation des traits, mais peu les détails. Cette information précoce bâtit l’architecture neuronale qui va se spécialiser dans l’analyse de la configuration des visages au cours des dix à douze années suivantes.
* Cité par Purves, Augustine, Fitzpatrick et coll. dans l’ouvrage « Neurosciences » publié par les Editions De Boeck.
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