EN ÉTABLISSANT un lien entre la prévalence de plus en plus élevée de l’asthme chez les enfants et la fréquentation des piscines couvertes, deux médecins belges donnent une place grandissante à « l’hypothèse du chlore des piscines » par rapport à « l’hypothèse hygiéniste ». La seconde, déjà ancienne, postule que l’augmentation en Europe de l’asthme et de l’atopie des enfants est la conséquence d’une moindre exposition aux agents microbiologiques et/ou infectieux au cours des premiers mois de la vie. La première, plus actuelle, repose sur l’exposition croissante et largement incontrôlée des bambins à l’air contaminé des piscines couvertes.
Pour conforter cette implication du chlore des bassins, N. Nickmilder et A. Bernard (Bruxelles) ont rapproché les données de l’étude ISAAC (International Study of Asthma and Allergies in Childhood) et la densité de piscines couvertes dans les régions des centres (21 pays) où a été menée l’étude.
Au total, dans ISAAC, près de 190 000 jeunes de 13-14 ans ont été enrôlés. Près de 95 000 enfants de 6-7 ans y ont été ajoutés.
Les participants ont répondu à des questionnaires écrits ou vidéo concernant la survenue d’asthme, de rhume des foins, de rhinite ou d’eczéma atopique.
L’analyse des données a été réalisée en fonction du nombre de piscines. Il apparaît que, pour chaque bassin couvert supplémentaire par 100 000 habitants, la prévalence du sifflement respiratoire, selon le questionnaire écrit, augmente de 3,39 % ; selon le questionnaire vidéo de 0,96 %, l’élévation de prévalence de l’asthme est de 2,73 %. En ce qui concerne les 6-7 ans (33 centres), la prévalence de l’asthme augmente, avec l’utilisation de piscines couvertes, de 1,47 %. Les associations sont constatées partout en Europe, avec un gradient Est-Ouest pour la question « Avez-vous déjà eu de l’asthme ? ».
Il est important de noter que ces associations n’existent pas avec d’autres affections atopiques. Elles sont indépendantes de l’influence de l’altitude, du climat et de l’usage des produits ménagers.
La trichloramine donne aux piscines leur odeur.
Ces données vont donc bien, selon les auteurs, dans le sens d’une prédominance de l’hypothèse de l’exposition aux sous-produits de la chloration des piscines par rapport à l’hypothèse hygiéniste. Parmi ces sous-produits, le plus toxique pour le tractus respiratoire semble être la trichloramine. Il s’agit du gaz qui donne aux piscines couvertes leur odeur caractéristique. Il se répand dans l’air ambiant au moment de la destruction, par les désinfectants chlorés, des matières organiques apportées par les baigneurs.
Outre l’argument statistique, les médecins belges insistent sur l’incontestable augmentation des activités de piscines chez les enfants scolarisés au cours des dernières décennies. Cette fréquentation en hausse a conduit à augmenter la température de l’eau de baignade ou le nombre d’équipements. La conséquence a été un dégagement plus fort de sous-produits de la chloration dans l’air. Un effet renforcé par une diminution de la ventilation, afin de réduire les dépenses énergétiques.
Une donnée chiffrée en conclusion. La concentration aérienne en trichloramine se situe entre 300 et 500 µg/m3 dans les piscines. Ce qui en fait l’un des polluants aériens les plus concentrés auxquels sont exposés régulièrement les enfants. Tous les autres polluants aériens, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, dépassent rarement 300 µg/m3.
« Occupational and Environmental Medicine », 22 juin 2006.
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