L'air de la cabine, autre risque du voyage aérien

Publié le 16/12/2001
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De notre correspondant

Les compagnies aériennes ne sont pas à la fête : on a beau dire que le transport aérien est infiniment plus sûr que les trajets en automobile, le goût du voyage par avion a beaucoup diminué depuis le 11 septembre aux Etats-Unis et, après les études sur le syndrome dit de la classe économique, voilà un rapport très sérieux (246 pages) qui jette la suspicion sur l'air que l'on respire dans les cabines.

Le verdict du National Research Council est sévère : le gouvernement fédéral ne fait pas son travail en ce qui concerne les risques pour la santé de l'air des carlingues, et la Federal Aviation Administration (FAA) met en œuvre des mesures insuffisantes pour garantir aux passagers que leur santé n'est pas mise en danger par le voyage aérien. Les membres du Conseil (qui fait partie de la National Academy of Sciences) estiment que le recueil des informations sur le sujet est lui-même faussé par des années d'impéritie, de sorte que les études qui en découlent sont elles-mêmes biaisées. En effet, la FAA ne se préoccupe que de deux produits toxiques : l'ozone et le monoxyde de carbone et fixe des taux, en ce qui concerne leur présence dans l'air, qui sont beaucoup trop élevés.
En outre, il n'existe aucun organisme dont la tâche consisterait à faire des prélèvements, pendant le vol, de l'air des cabines ; et les normes censées être en vigueur ne donnent lieu à aucune sanction contre les compagnies aériennes qui les dépasseraient.
Or, déjà en 1986, c'est-à-dire il y a quinze ans, le Conseil national de la recherche avait exigé de la FAA qu'elle crée un bureau chargé de contrôler l'air dans les avions de ligne. Cette requête est restée sans effet, principalement parce que les gouvernements fédéraux qui se sont succédé depuis cette date et le Congrès, dont les décisions concernant l'environnement s'appuient toujours sur les études de l'Académie des sciences, n'y ont pas donné suite.
Bien entendu, l'Association of Flight Attendants (AFA, ou syndicat des personnels en vol) s'est aussitôt emparée du rapport pour dénoncer une inertie dont elle fait l'un de ses chevaux de bataille depuis plusieurs années. « C'est une nouvelle condamnation de la FAA, a déclaré le porte-parole du syndicat, Jeff Zack, une nouvelle preuve que, chaque fois qu'on attire son attention sur un problème, elle le noie dans son indifférence. Tous les jours, nous embarquons dans un avion sans savoir exactement à quels risques nous nous exposons. » L'AFA compte cinquante mille membres qui appartiennent à 26 compagnies aériennes.

Le tabac banni

Cependant, il n'y a pas que des condamnations dans le rapport du Conseil national pour la recherche. Le Conseil reconnaît que son rapport de 1986 a été suivi de l'interdiction de fumer sur tous les vols assurés par des transporteurs aériens américains. D'autres mesures de sécurité, qui concernent notamment la présence d'un défibrillateur à bord, ont été mises en vigueur. Mais, disent les auteurs, non seulement la FAA a ignoré plusieurs de nos propositions de sécurité sanitaire mais, depuis quinze ans, on se pose de nouvelles questions (par exemple, le syndrome de la classe économique), qui méritent d'être examinées.
La pression atmosphérique à l'intérieur de la cabine et ses effets sur la respiration des enfants et des personnes déjà atteintes de difficultés respiratoires ou cardiaques, la pollution par l'ozone et ses effets sur les poumons, les allergies aux pesticides utilisés pour la désinfection, le taux de monoxyde de carbone (qui donne des maux de tête) figurent dans la liste des préoccupations du Conseil.
Comme à son habitude, la FAA a répondu avec flegme au jugement du rapport. Lee Dorr, son porte-parole, a juré que la FAA allait examiner d'une manière extrêmement sérieuse le contenu du document, tout en ajoutant : « Il existe des quantités d'études qui démontrent que l'air des cabines est de bien meilleure qualité que l'air que respirent les employés d'une société américaine de type classique. Mais le plus important, c'est qu'on n'a jamais démontré le rapport de cause à effet entre la survenue d'une maladie et un voyage en avion. »

Laurent SILBERT

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7032