« POUR LES nouveau-nés à terme ou proches du terme, on peut raisonnablement conclure que l'air devrait être utilisé en première intention, en réservant l'oxygène pur au cas où cette réanimation initiale n'a pas été efficace », écrivent Davis et coll.
Certains auteurs se sont inquiétés de la survenue d'effets secondaires après l'administration d'oxygène pur au moment de la naissance. L'hyperoxie ralentit le flux sanguin cérébral fœtal et on a noté qu'une exposition, même d'une durée brève, à de l'oxygène pur au moment de la naissance occasionne une réduction de longue durée du flux sanguin cérébral chez des nouveau-nés prétermes. Lorsque le nouveau-né a été asphyxié, l'oxygène génère des radicaux libres qui obèrent l'efficacité de la reperfusion.
L'air ne serait-il pas mieux indiqué ? La question posée, Davis et coll. se sont livrés à une revue systématique de la littérature et à une métaanalyse d'études où l'on a comparé des réanimations de nouveau-nés en utilisant de l'air ou de l'oxygène à 100 %. Cinq études ont été retenues, deux en aveugle et trois en ouvert, totalisant 1 302 bébés. Pour la plupart, ils sont nés près du terme ou à terme (âge gestationnel supérieur à 37 semaines et poids de naissance de plus de 2 400 g), dans des pays du tiers-monde.
Un « crossover » vers l'autre gaz.
Dans les trois études en aveugle, les nouveau-nés réanimés par de l'air ambiant et qui demeuraient cyanosés et bradycardes au bout de 90 secondes de vie recevaient alors de l'oxygène à 100 %. Un crossover vers l'autre gaz était aussi prévu dans les études en aveugle au bout de 1 minute en l'absence d'amélioration.
Il n'existe pas de différences de mortalité entre les études quand elles sont analysées individuellement. Mais en réunissant les données, un bénéfice significatif apparaît pour les enfants traités par de l'air ambiant : le risque relatif de mortalité est de 0,71 (différentiel de 0,05 entre les deux groupes).
Selon les commentaires de Davis : « On peut éviter un décès en réanimant vingt bébés par de l'air plutôt que par de l'oxygène pur. » Le taux d'échec de la réanimation est légèrement inférieur dans le groupe « air » (27,3 versus 28,5). Mais surtout, les enfants réanimés par de l'air n'ont pas présenté de risque accru d'encéphalopathie par ischémie-hypoxie, à l'inverse de ceux réanimés par de l'oxygène pur.
Les conclusions sont confortées par une autre métaanalyse de cinq études randomisées (Saugstad et coll.) : sur un total de 1 737 nouveau-nés réanimés, la mortalité est de 8 % versus 13 % avec l'oxygène à 100 %, ce qui suggère une réduction de 40 %.
Réduction de la mortalité éloquente.
Dans un commentaire qui accompagne le travail, Georg Hansmann (Stanford University) conclut : « La démonstration d'une réduction de la mortalité est suffisamment éloquente. Cela ne devrait pas manquer d'avoir un impact sur la prise en charge et le pronostic évolutif des nouveau-nés souffrant de dépression respiratoire à la naissance. »
Il existe un certain nombre de limites méthodologiques. L'une d'entre elles est que les enfants sont recrutés pour la plupart dans des pays où les méthodes de réanimation ne sont pas standardisées. On ne peut conclure que la méthode par air ambiant est applicable à coup sûr dans les hôpitaux aux pratiques différentes des pays industrialisés.
Ensuite, l'effet à long terme n'a pu être déterminé de manière fiable en raison de limites méthodologiques. Enfin, l'effet de concentrations intermédiaires d'oxygène mériterait d'être recherché et les résultats des différentes options chez les prématurés devraient faire également l'objet d'études complémentaires.
« The Lancet », vol. 364, 9 octobre 2004, pp. 1329-1333 et commentaire pp. 1293-1294.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature