DE NOTRE CORRESPONDANT
L'UNITÉ CRÉÉE par le Pr Henri-Jean Philippe, gynécologue au CHU de Nantes, a quatre ans déjà, mais son champ d'action est loin d'être figé. La liste des publics qui donnent lieu à un accueil spécifique s'allonge : mineures enceintes isolées, toxicomanes, victimes de violences intrafamiliales, femmes ayant subi des mutilations sexuelles… Il faut dire que la raison d'être de ce service de cinq médecins (pour un plein-temps), une sage-femme, deux assistantes sociales, deux psychologues et une sexologue est vaste : l'accueil des femmes en situation de vulnérabilité. «La gynécologie est typiquement une médecine de prévention, estime le Dr Véronique Carton, responsable de l'UGOMPS. Par l'angle de la grossesse, notamment, nous entrons en contact avec des femmes en situation de vulnérabilité, qu'elle soit liée à une précarité, à une addiction, à des violences… Une fois qu'elles sont arrivées aux urgences, un lieu de ressources pour ce type de personnes, ou nous ont été adressées par la permanence d'accès aux soins de santé (PASS) du CHU, des organismes comme le conseil général, des associations (Médecins du monde, les Restos du coeur…) ou par des médecins généralistes –trop peu, d'ailleurs, alors qu'ils sont en première ligne–, il est important de ne pas les laisser repartir dans la nature. Généralement, elles arrivent chez nous en catastrophe.»
Dépistage.
Il y a peu, le SAMU a ainsi orienté vers les urgences gynécologiques une femme enceinte présentant une maladie psychiatrique et en état d'ébriété. «Sa grossesse n'était pas en péril, mais comme elle était enceinte, le SAMU l'a amenée aux urgences de gynéco, explique le Dr Carton. La maternité est un lieu où l'on dépiste les situations critiques. Depuis deux ans, les questions qui permettent d'effectuer ce travail ont été incluses dans le dossier type.»
La nécessité de procéder à ce travail de dépistage n'est pas apparue du jour au lendemain. Avant que l'UGOMPS ne soit créée, une partie de l'équipe travaillait au sein d'un des deux centres de planification de Nantes. Quand la décision a été prise de les fusionner, le conseil général, sous l'impulsion du chef de service et de médecins, a suivi ce projet d'accueil spécifique pour les femmes vulnérables. Une nécessité qu'argumente le Pr Henri-Jean Philippe : «Une femme est vue 17fois en moyenne au cours de sa grossesse. Mais, gynécologues comme sages-femmes, nous sommes trop techniques. Nous avons pourtant un rôle de prévention et de santé publique car une vulnérabilité détectée le plus précocement possible, c'est moins de prématurité, moins d'addictions, moins de placements, moins de violences… Plus les vulnérabilités s'additionnent (le fait d'être mineure, en couple non stable, en situation de précarité sociale…) , plus les risques augmentent. Mais, après le dépistage, il doit y avoir une prise en charge! La prise en charge d'urgence est plutôt bien faite, le problème, c'est après…» Psychologue, médecin, assistante sociale, associations, institutions (PMI…) doivent alors se mettre autour d'une table.
Des compétences variées.
L'accompagnement exige une grande variété de compétences. À Nantes, un staff « parentalité » (une manière de mettre cette notion au coeur des attentions) se réunit toutes les deux semaines. Le médecin de l'UGOMPS y présente une situation difficile. Comme cette femme alcoolique déjà mère de trois enfants, tous placés, et à nouveau enceinte.
«On cherche à anticiper au maximum la situation en se demandant quelle serait la meilleure solution, précise Véronique Carton. Dans ce cas, nous l'avons orientée vers l'unité Kangourou de la maternité pour que soit surveillé le lien. Mais, un dimanche après-midi, elle est partie en cassant la porte. L'enfant lui a été retiré. Nous avons oeuvré auprès d'elle malgré tout et, finalement, elle a pu récupérer la garde.» Un exemple extrême, mais qui illustre parfaitement ce qu'engendre le travail d'une telle unité. «Elles deviennent compliantes aux soins, car, ici, elles ne se sentent pas jugées, souligne la gynécologue. Elles sont vues comme des femmes, pas comme des toxicomanes.»
Nouveau défi pour l'équipe : accueillir davantage de femmes victimes de violences conjugales. «SOS-Femmes battues Nantes enregistre environ mille appels par an, mais nous en voyons très peu, constate Henri-Jean Philippe. Il faut que les médecins s'y intéressent et les orientent vers nous, et que, en parallèle, nous ayons des moyens supplémentaires dans le cadre du plan Violences et Santé pour effectuer une réelle prise en charge.» Ce que corrobore l'enquête Contexte de la sexualité en France de l'INSERM et de l'INED publiée au printemps et dont les auteurs préconisent la mise en place d'une vraie politique sociale et de dispositifs d'accompagnement et de recours.
Un cédérom pour la prise en charge des mutilations sexuelles
Depuis décembre 2006, deux circulaires de la Direction générale de la santé demandent aux instituts de formation en soins infirmiers, aux écoles de sages-femmes et aux facultés de médecine d'intégrer dans leurs programmes la prévention, le dépistage et la prise en charge des mutilations sexuelles féminines. Pour les y aider, en partenariat avec le ministère de la Santé, le Collège national des gynécologues-obstétriciens français et le Groupe pour l'abolition des mutilations sexuelles, l'association présidée par Henri-Jean Philippe, Gynécologie sans frontières (GSF), a édité un cédérom. Il est disponible auprès de GSF. Déléguée générale : Hélène Anselin. Tél. 02.40.41.29.92 ou deleguee@gynsf.org.
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