SANS ÊTRE UNE RÉVOLUTION copernicienne, le projet confédéral 2007-2015, intitulé « Pacte d'avenir pour une médecine libérale et sociale »,traduit un aggiornamento sans précédent de la Csmf au monde actuel.
Fruit de sept mois de réflexion, ce document tombe doublement à pic : à la veille de l'élection présidentielle, il est un message aux réformateurs de tout poil (le précédent projet confédéral de 1998 a largement inspiré la réforme de l'assurance-maladie de 2004) ; mais, surtout, ce document est publié à un moment où le métier de médecin amorce une mutation profonde qui va de pair avec les aspirations de la nouvelle génération (rémunération diversifiée, mode d'exercice groupé...) et les tendances lourdes de la société (exigence de prévention, dimension économique du secteur de la santé, défi de l'aménagement du territoire).
Parfois accusée d'être à la traîne des évolutions, la « vieille » Csmf, créée en 1928, rajeunit son discours et ses idées sans renier ses valeurs. La Csmf devrait proposer prochainement aux candidats «vingt mesures» à prendre dans les 100 jours. Décryptage du projet confédéral.
Pratique médicale
Par petites touches, la Csmf rénove sa vision du métier. Certes, le postulat demeure que la «valeur des actes est sous-évaluée», qu'une remise à niveau s'impose. D'où la nécessité de mener à bien les deux réformes structurantes de la nomenclature (Ccam technique et nouvelle hiérarchisation des consultations «en quelques niveaux»). Mais sur les modes de rémunération, le syndicat fait sa mue. Si le paiement à l'acte «doit rester la règle», il n'est plus adapté à certains champs d'activité ou pratiques. «Il faut envisager d'autres modalités de rémunération, notamment forfaitaires», lit-on dans le projet confédéral. On objectera que cette diversification est engagée, mais le fait que la Csmf accompagne cette évolution dans son projet politique à moyen terme n'est pas neutre. La Csmf envisage même «la possibilité de développement d'un exercice mixte libéral et salarié», qui réponde à la demande des plus jeunes. Le syndicat exclut en revanche la capitation et limite au maximum le tiers payant .
Les lignes confédérales bougent également sur la gestion du cabinet. «L'exercice isolé connaît ses limites», dit le document. Il faut dès lors faciliter le regroupement des professionnels, «une tendance lourde».Autre évolution : la Csmf partage le diagnostic d'un système «trop orienté» sur le curatif. Le syndicat plaide pour la création d'un «acte annuel de prévention».
Sur la retraite des médecins, qui nourrit bien des fantasmes (« le Quotidien » du 3 avril), le syndicat réforme avec prudence : la retraite par répartition doit rester la «base», complétée le cas échéant par un système de capitalisation individuelle. Quant au régime à bout de souffle de l'ASV, l'effort de redressement «doit être équitable» entre les caisses, l'Etat, les retraités et les cotisants. La Csmf suggère d'apurer le passif par un réexamen prudent des droits acquis non liquidés et un «blocage» des allocations ASV pour une première période de cinq ans.
Le projet confédéral valide l'organisation des gardes remaniée après le mouvement des généralistes de 2002 (volontariat, sectorisation, régulation, astreintes rémunérées). Mais il demande d'étendre le principe de la rémunération des astreintes à tous les spécialistes en établissement. Enfin, si la Csmf ne remet pas en cause les règles qui régissent les dispositifs d'une FMC forcément «de qualité» et d'évaluation des pratiques, elle suggère des adaptations pour les études médicales dont une année préparatoire commune aux professions de santé, le développement des stages en libéral dans toutes les spécialités dès le deuxième cycle.
Système de santé
Attachée à la liberté d'installation, la Csmf accepte le principe d'un «rééquilibrage démographique» de l'offre médicale , en lien avec le secteur hospitalier public ; mais elle écarte «toute mesure coercitive». Le syndicat propose de faciliter le regroupement, d'encourager le maintien en activité après 65 ans, de multiplier les passerelles et de généraliser les bourses pour les carabins en contrepartie d'un engagement à s'installer dans une zone sous-médicalisée. Autant de mesures qui existent ou sont dans les tuyaux.
Le syndicat suggère une réflexion «par spécialité» sur la délégation de tâches, mais se dit hostile au transfert de compétences.
Si le projet confédéral adhère au découpage des rôles issu de la réforme de 2004 (médecin traitant, correspondant, consultant), il épingle l'hôpital public. Ce dernier «doit contribuer aux efforts de maîtrise médicalisée», ne doit pas utiliser les libéraux comme «supplétifs» et n'a pas non plus «vocation à effectuer le suivi des malades chroniques à la place de la médecine de ville».
Défense professionnelle
Dressant le constat d'une profession «balkanisée», la Csmf estime qu'il faut réorganiser sa défense dans un cadre commun. Apôtre de la convention unique (ce qui n'empêche pas des volets spécifiques par groupes de discipline), la Csmf juge qu'il faut passer à la vitesse supérieure avec la représentativité syndicale unique.Dans la même veine, la Csmf plaide pour la suppression de l'autonomie des sections généralistes et spécialistes au sein des Urml.
Régulation
La Csmf estime que la santé est un «secteur productif de richesses». Pour autant, son coût doit être «maîtrisé». La Csmf défend une approche... voisine du projet de l'UDF consistant à évaluer les besoins à l'échelon régional, à allouer les ressources «en fonction des besoins médicaux réels», y compris en gérant une «enveloppe régionale unique».
La charge confédérale contre la gestion de l'assurance-maladie ne passera pas inaperçue. Le projet relance le débat d'une «évolution vers un système concurrentiel», réflexion qui existait dans le projet de 1998, mais avait été mise en sourdine. Cette idée resurgit : comme le Medef, mais moins frontalement, la Csmf conteste l'efficacité du monopole de gestion quasi exclusif de la Cnam.
Enfin, la Csmf se montre réservée sur la mise en place d'une franchise sur les soins «incompatible avec le maintien de la solvabilité des soins». En revanche, elle appelle de ses voeux une diversification des «recettes» de la Sécurité sociale, une réflexion politique, hélas, embryonnaire.
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