« Baleines en vue à quinze miles ! On file sur place ». Avec un sourire éclatant, Mario, notre skipper vient d’écouter sa petite radio. Les «vigias», ces guetteurs installés sur les hauteurs de l’île qui scrutent l’océan avec des jumelles perfectionnées, ont repéré un banc de cachalots. La petite vedette blanche où nous avons pris place ce matin fend l’océan en éclaboussant un peu la quinzaine de touristes Scandinaves, Allemands, Anglais et Portugais qui s’exclament joyeusement.
La France et sa grisaille sont loin. Ici, aux Açores, neuf confettis portugais perdus dans l’océan Atlantique, entre Europe et Amérique, la mer et le ciel rivalisent de nuances de bleu. Depuis plus de quinze ans, la chasse aux cétacés à fait place au safari photo.
En moins d’une demi-heure de bateau, nous avons rejoint un banc de dauphins qui s’en donnent à cœur joie. Tel Clipper, le plus célèbre d’entre eux, ces mammifères marins de plus de deux mètres sortent la tête de l’eau à la verticale avant de replonger sous la quille du bateau et de rejaillir à la vitesse d’une torpille quelques mètres plus loin. Et puis c’est l’annonce de Mario : des baleines ont été repérées.
Il faudra trois bons quarts d’heure pour arriver dans la zone … où nous a précédé un zodiac affrété par la concurrence !
Un grand jet de vapeur
A une cinquantaine de mètres - le code éthique interdit d’aller plus près - un grand jet de vapeur, le souffle caractéristique des cétacés, s’élève dans l’air. Et à fleur d’eau on distingue une énorme masse grise d’une dizaine de mètres suivie de deux plus petites.
« C’est une femelle cachalot avec ses deux petits », claironne Mario, ravi. Chacun se penche pour prendre ses photos. Mais d’autres cétacés ne sont pas loin. Et après une discrète manœuvre de notre skipper, chacun peut entr’apercevoir une demi- douzaine de géants de la mer vaquant tranquillement à leurs affaires, ignorant superbement la meute des photographes ….
De retour sur la terre ferme à Horta, la minuscule capitale de l’île de Faial, le rituel est bien établi : il faut passer au « Peter’s bar », près du port. Presque aussi célèbre que le fameux anticyclone, ce petit bistro surchargé de fanions du monde entier, de cordages, de bouts de voile, est depuis des dizaines d’années le rendez-vous mythique de tous les marins du globe. Certains y font même suivre leur courrier avec pour seule mention « Peter’s bar , océan Atlantique » !
Gravure sur dents
L’ambiance y est assez unique. Jour et nuit, on y boit du gin tonic, on s’échange des tuyaux, on cherche un partenaire pour repartir… José, – c’est le vrai prénom de « Peter » –, la barbe bien peignée, le sourire aux lèvres, passe le plus clair de son temps dans son bar. Son autre passion, c’est le « scrimshaw » que l’on peut traduire par la gravure sur dents de cachalots. Au premier étage au-dessus du bar, il détaille avec fierté les quelque deux mille pièces de sa collection. En bonne place, le visage viril d’Eric Tabarly et celui, presque rieur, du commandant Cousteau….
Enfin, pour que le rite soit complet, il faut aller faire un tour sur la jetée pour admirer les centaines de peintures laissées à même le béton par tous les marins du monde lors de leur escale à Horta. Certaines sont de vraies oeuvres d’art et la plupart ne manquent pas d’humour. Et si l’on ne connaît pas l’origine de cette coutume, pas un marin ne se risquerait aujourd’hui à repartir sans laisser une trace colorée de son passage. Question de superstition, dit-on.
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