Les tarifs des chirurgiens au coeur d’une polémique

L’affrontement Domergue-Rey

Publié le 06/11/2006
Article réservé aux abonnés

BELLE PASSE D’ARMES entre le Pr Jacques Domergue, député (UMP) de l’Hérault, et le président de l’Union des médecins spécialistes (Umespe-Csmf), le Dr Jean-François Rey, sur le tarif des chirurgiens libéraux. Le premier, qui avait déposé un amendement au Plfss 2007 (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) pour aligner les tarifs de remboursement, c’est-à-dire hors dépassement, des chirurgiens de secteur II sur les tarifs de secteur I, est traité de « corporatiste » par le second, qui lui reproche, plus ou moins clairement, de profiter de sa position de député pour défendre la spécialité qui est la sienne, sans prendre en compte les difficultés des autres disciplines.

Depuis l’accord sur la chirurgie libérale de 2004 – incluant une revalorisation des tarifs des chirurgiens du secteur I – et la mise en place de la Ccam (classification commune des actes médicaux) dans son volet technique, les tarifs de remboursement des actes des chirurgiens du secteur II sont inférieurs à ceux du secteur I, à deux exceptions : les actes effectués dans le cadre de la CMU et les actes d’urgence. Pour le reste, explique le Pr Domergue, «la différence est de l’ordre de 11,5% entre secteurI et secteurII». D’où l’amendement proposé par le député de l’Hérault avec deux de ses collègues pour aligner les tarifs des deux secteurs d’activité. «Une mesure d’équité, explique le Pr Domergue, alors que 80% des chirurgiens exercent en secteurII.»«Une décision qui ne grèverait par les budgets, puisqu’elle coûterait entre 3 et 5millions d’euros», ajoute-t-il.

Cette proposition a fait sortir de ses gonds le Dr Jean-François Rey, qui dénonce sans ambages l’action du «député chirurgien qui fait du syndicalisme en défendant la profession à laquelle il appartient, alors qu’en tant que parlementaire il devrait s’appliquer à faire de la politique et surtout en tant que député UMP à défendre la réforme mise en place par le gouvernement». Et d’accuser ni plus ni moins le Pr Domergue de corporatisme.

Colère froide du parlementaire qui accuse à son tour la Csmf de vouloir faire payer aux chirurgiens sa défaite aux élections des unions régionales des médecins libéraux et de rappeler que le Dr Rey dans sa propre région, Paca, s’est largement fait devancer par son rival FMF. «Il est surtout scandaleux, ajoute Jacques Domergue, de faire circuler un texte qui met en cause les chirurgiens et qui tend à les faire passer pour des privilégiés.»

Le Pr Domergue se défend vivement d’organiser la défense « syndicale» des chirugiens. «C’est l’avenir de la chirurgie française qui est en cause, assure-t-il. Si on ne donne pas aux chirurgiens du secteurII les mêmes tarifs que ceux du secteurI, on risque d’en décourager beaucoup, et de les inciter à prendre des dépassements plus importants qu’aujourd’hui, ce qui ne serait pas une excellente opération. » De même, ajoute-t-il, au moment où l’on négocie un secteur optionnel pour attirer des chirurgiens du secteur II, «le refus d’aligner leurs tarifs sur leurs confrères du secteurI n’est pas très habile».

Et les autres spécialistes ?

Le président de l’Umespe n’est guère sensible à ces arguments. Le Pr Domergue défend, dit-il, «des chirurgiens qui peuvent pratiquer des dépassements sans problèmes et qui n’ont guère de problèmes de revenus».

«Il y en a assez, s’insurge-t-il, quel’essentiel de l’actualité médicale soit consacrée, depuis trop longtemps maintenant, aux chirurgiens, et à l’accord de 2004, dont les principales dispositions sont entrées en application, et que l’on ignore le sort des autres spécialistes particulièrement mal traités et qui le seront encore plus demain par un Ondam de ville injuste.» mais, pour le Pr Domergue, il ne s’agit pas d’opposer, «comme veut le faire le président de l’Umespe, les chirurgiens aux autres spécialistes et aux autres médecins ou d’opposer secteurI et secteurII, mais de rétablir une équité afin de ne pas désespérer le monde de la chirurgie».

Reste que cette polémique, pour intéressante qu’elle soit, pourrait bien être vaine dans la mesure où la commission des finances de l’Assemblée a refusé l’amendement du Pr Domergue, au motif qu’il était contraire à l’article 40 de la Constitution. Un article qui précise que les propositions des parlementaires ne sont pas recevables lorsqu’elles créent une charge publique financière supplémentaire, non compensée par une recette. Seul le gouvernement pourrait prendre à son compte cet amendement. Le Pr Domergue n’y croit guère, dans la mesure où, dit-il, la Csmf a su faire son lobbying et a l’oreille du ministre de la Santé.

Ce qui n’empêchera pas le député UMP de déposer une nouvelle fois son texte lors de la discussion du Plfss au Sénat dans quelques jours.

> JACQUES DEGAIN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8045