MARINA PETRELLA est très malade. Âgée de 54 ans, elle est soignée à l'hôpital Sainte-Anne pour une dépression très sérieuse. En outre, elle a fait une grève de la faim et de la soif pour protester contre le projet d'extradition dont elle fait l'objet. Elle ne pèserait plus que 40 kilos.
Une entorse aux principes.
Pour autant que l'on sache ce qui s'est passé, il semble que la soeur de Carla Bruni-Sarkozy, l'actrice Valeria Bruni-Tedeschi, s'est émue du sort de Mme Petrella, qui a été condamnée en 1992 par un tribunal italien à la perpétuité pour complicité dans l'assassinat d'un vice-préfet de police, abattu en juin 1981 par un commando terroriste. Elle avait trouvé refuge en France.
M. Sarkozy a justifié sa décision inattendue pour des raisons humanitaires dont personne ne peut nier le poids, dès lors que les médecins de Mme Petrella confirment que son état mental est très gravement détérioré. Il n'empêche que le président fait ainsi une entorse à un principe qui, lui-même, constituait un désaveu de la politique mise en place par François Mitterrand : elle accordait l'asile politique aux brigadistes repentis.
Si, en France, la gauche s'est élevée très énergiquement contre la révision de la promesse de Mitterrand, la gauche italienne n'a jamais admis la position des socialistes français sur le sujet des repentis. Elle fait valoir en effet que l'Italie est un État de droit où les criminels sont jugés en bénéficiant de tous leurs droits et que les raisons humanitaires invoquées par le président français jouent tout aussi bien dans la Péninsule.
L'affaire Petrella est compliquée par deux autres cas qui ont été traités différemment par les autorités françaises. Le premier concerne l'ex-membre d'Action directe Jean-Marc Rouillan, qui bénéficiait d'une permission de sortie de prison jusqu'au moment où il a déclaré, ou laissé entendre, à « l'Express » qu'il ne regrettait pas d'avoir assassiné le P-DG de Renault, François Besse. Rouillan a été contraint de retourner en prison, car la loi lui interdit d'évoquer les faits pour lesquels il a été condamné.
Mais c'est le deuxième cas qui est en parfaite contradiction avec celui de Marina Petrella. Il s'agit de Cesare Battisti : comme Mme Petrella, M. Battisti vivait des jours heureux en France (il publiait des romans policiers) jusqu'au moment où il a été menacé d'extradition en vertu du renoncement au principe de Mitterrand. Lui aussi condamné par contumace, notamment pour le meurtre d'un boucher qu'il nie énergiquement, M. Battisti n'a pas voulu prendre de risques. Il s'est enfui. La police française l'a retrouvé au Brésil en suivant une femme qui s'y était rendue sans doute pour lui apporter de l'argent. Arrêté, il attend une décision de la justice brésilienne qui s'occupe de son éventuelle extradition.
C'EST LA LIBERTE QUE PETRELLA ET BATTISTI RECLAMENT, CETTE LIBERTE QU'ILS ONT REFUSEE A LEURS VICTIMES
Battisti n'est peut-être pas un malade mental, il a peut-être été, dans le passé, plus violent que Marina Petrella, il n'en pose pas moins un problème identique, lequel est traité à l'inverse de celui de Mme Petrella, ce qui traduit une énorme contradiction dans l'attitude de la France.
De toute façon, l'idée même d'extradition exclut que l'on refasse le procès de la personne à extrader avant qu'elle ait quitté le territoire français. Il ne s'agit pas de mesurer son degré de culpabilité, il s'agit seulement de savoir si elle va bénéficier, en Italie en l'occurrence, des mêmes droits qu'elle a en France. Il est vrai qu'après une condamnation par contumace, la justice italienne ne refait pas le procès, elle applique la peine déjà décidée. C'est d'ailleurs ce qui épouvante Cesare Battisti et Marina Petrella. Il n'empêche : ce qui est bon pour Mme Petrella devrait l'être pour M. Battisti.
Nicolas Sarkozy aura beaucoup de mal à se faire pardonner par l'Italie, où les associations de victimes du terrorisme ont manifesté à plusieurs reprises contre la décision qu'il a prise au sujet de Marina Petrella. Il sera placé devant un casse-tête si la justice brésilienne décide d'expulser Cesare Battisti. Si M. Sarkozy n'intervient pas dans le dossier Battisti, on lui reprochera d'avoir appliqué deux poids et deux mesures. S'il s'en mêle, il déclenchera un sérieux incident diplomatique avec l'Italie.
Une forme d'arrogance française.
La gauche, qui exige que la promesse de Mitterrand soit tenue au nom de la continuité de l'État, estime que M. Sarkozy aurait pu échapper au dilemme qu'il s'est lui-même créé s'il avait ignoré la demande d'extradition italienne. Ce n'est pas aussi simple : la question se pose avec acuité de savoir si les terroristes doivent être amnistiés au nom du temps qui passe, ce qui ferait bon marché de la douleur des victimes et ne correspondrait pas à une bonne administration de la justice ; et puis Mitterrand avait-il raison ? Dans ce domaine encore, la France d'hier et celle d'aujourd'hui se comporte avec arrogance : elle ne doit pas estimer qu'elle a un meilleur avis que celui des Italiens sur une période de leur histoire pendant laquelle la société italienne a énormément souffert et a été menacée d'anarchie et d'explosion. Non seulement il faut répéter que l'Italie est un État de droit, mais il faut rendre hommage à la démocratie italienne qui a su résister à une violence et à un chaos indescriptibles. M. Battisti et Mme Petrella sont sans doute un autre homme et une autre femme que l'homme et la femme d'autrefois ; peut-être ont-ils trouvé le chemin de la rédemption intérieure. Ils n'en sont pas moins comptables de leurs actes, comme nous tous en ce bas monde. Même s'ils regrettent ce qu'ils ont fait, leur attitude d'aujourd'hui, fût-elle contrite, résulte de leur rejet frénétique de la menace de privation de liberté qui pèse sur eux. C'est la liberté qu'ils réclament, l'un par sa fuite, l'autre par sa folie. C'est cette liberté même qu'ils ont refusée à leurs victimes au nom de leurs idées empoisonnées.
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