Des candidats privés de scrutin ?

L'affaire des parrainages

Publié le 05/03/2007
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POUR CETTE ANNÉE, il est trop tard. Tout le monde, à droite comme à gauche, a pris conscience de la gravité du problème, qui risque d'affaiblir énormément notre démocratie. En effet, un candidat bénéficiant d'un soutien populaire incontestable, vérifié par des scrutins antérieurs, et qui ne parviendrait pas à réunir les 500 parrainages, serait tout simplement frappé d'un scandaleux déni de justice. Inversement, les candidats qui savent qu'ils ne dépasseront pas 0,5 % ou même 1 % devraient se convaincre qu'ils doivent se retirer de la course et qu'ils tombent dans le cas de figure prévu par cette disposition bizarre : si le législateur a prévu les 500 parrainages c'est parce que le président est élu au suffrage universel selon la Constitution de la Ve République ; et que n'importe qui, parmi les 62 millions de Français, peut briguer la magistrature suprême. Ce qui fait beaucoup de candidats.

Le parrainage n'est donc qu'un moyen d'éliminer les fantaisistes, démarche indispensable quand on sait qu'il y a déjà plus de 40 candidats à l'heure actuelle, que tous n'auront pas leurs parrainages et qu'il est salutaire d'en écarter quelques-uns.

Le Collège électoral.

En revanche, il est impensable qu'un candidat dont on sait qu'il pèse un pourcentage non négligeable de l'électorat puisse buter sur la question des parrainages. Les rédacteurs de la Constitution avaient bien fait les choses, qui ont pensé que, pour ceux-là, les parrainages ne seraient qu'une formalité dès lors qu'il était admis que nous étions un pays civilisé. De plus, la France n'est pas le seul pays où la candidature à la présidence est entourée par des garde-fous. En 2000, on s'est beaucoup étonné, de ce côté-ci de l'Atlantique, de la façon dont George W. Bush avait été élu : battu en voix populaires, il a été néanmoins installé à la Maison- Blanche par le Collège électoral. C'est un groupe d'élus ; et si les pères fondateurs de la nation américaine ont prévu cette sorte de cliquet, c'est justement parce qu'ils se méfiaient de la « populace », qui est au peuple ce que les loups sont aux brebis.

UN DANGER SERIEUX POUR LA DEMONCRATIE FRANCAISE

En France, la « formalité » s'est transformée, au fil des scrutins, en imbroglio bureaucratique : certains candidats annoncent quatre cents parrainages ou un peu plus et ne parviennent pas à obtenir ceux qui leur manquent.

Jean-Marie Le Pen fait partie de ceux qui, encore aujourd'hui, n'ont pas 500 parrainages. Ce serait trop facile de lui interdire de participer à la présidentielle sous un aussi fallacieux prétexte. Car M. Le Pen a quand même réuni plus de 17 % des voix en 2002 au second tour. Son absence, en 2007, serait inique et scandaleuse. Il faut le réaffirmer avec force, sans se soucier de la couleur politique des candidats ; le pire consisterait à combattre l'extrême droite ou l'extrême gauche par des moyens de pure forme. On ne protège pas la démocratie en se livrant à un exercice qui la méprise. Et, à tout prendre, il vaut mieux que le Front national essuie une défaite.

Un système à bout de souffle.

Mais pourquoi cette soudaine raréfaction des soutiens d'élus, dans un pays qui compte 36 000 communes ? Parce que les maires ruraux en ont marre ; ils savent pertinemment que leur parrainage ne les engage pas idéologiquement (d'autant que les petites communes ont des maires sans étiquette) ; mais ils subissent des pressions, des menaces, et, parfois, on tente de les corrompre. Beaucoup ont payé des parrainages qu'ils avaient accordés parce que des gens placés plus haut qu'eux dans le département ou la région les ont « punis », par le biais de crédits qui ne leur ont pas été accordés. C'est assez dire que le système est corrompu, inefficace, dangereux, et à bout de souffle.

Il demeure que nul ne peut changer la loi, sauf les législateurs, c'est-à-dire ceux qui seront élus au printemps. Alors, que faire dans l'immédiat ?

Les candidats assurés de leurs parrainages, comme Nicolas Sarkozy, commencent à se faire du souci : on imagine sans peine le tollé que déclencherait l'absence de personnes aussi connues que Jean-Marie Le Pen, Dominique Voynet, Arlette Laguiller, Philippe de Villiers et même José Bové. A l'UMP, on sait que, si M. Le Pen, par extraordinaire, n'avait pas ses 500 soutiens, son électorat pourrait renoncer à voter Sarkozy au second tour. Et, de toute façon, le retrait de certains nous ridiculiserait aux yeux du monde.

Il nous semble que le gouvernement devrait demander aux préfets d'aller à la rencontre des maires et de plaider non pas la cause d'un candidat, mais de tous ceux qui sont assez connus pour mériter 500 voix d'élus. En attendant que la Constitution soit amendée pour que soit mis en place un système plus simple.

La leçon que l'on retire de cet épisode malheureux, c'est qu'aucun citoyen ne peut se satisfaire qu'un candidat soit éliminé pour des raisons bureaucratiques. Il est impératif que tout candidat, pourvu d'une légitimité par des scrutins antérieurs ou par une popularité quantifiable, puisse se présenter. On imagine sans peine ce qui se produirait dans le cas contraire : il priverait de facto les électeurs de leur droit de vote, si bien qu'ils s'insurgeraient contre un système qu'ils n'auraient plus aucune raison de respecter.

> RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8119