Le déconventionnement du Dr Yann Hamard, ophtalmologue à Châteaubriant, par les trois caisses de Nantes (CPAM, MSA et CMR), pour une durée de un an à compter du 1er mai, continue de mettre le feu aux poudres après la manifestation qui a réuni environ 500 médecins à Nantes le 17 avril.
La sanction du Dr Yann Hamard, jugée « inique et arbitraire », conjuguée au blocage des tarifs des spécialistes (condamnant à « l'abattage d'actes »), déclenche maintenant une vague de déconventionnements, surtout chez les ophtalmologues. Après avoir démarré dans les régions et les départements du Grand Ouest de la France, le mouvement de déconventionnement « est soutenu et coordonné sur le plan national » par le Syndicat national des ophtalmologues français (SNOF), précise son président, le Dr Jean-Luc Seegmuller.
Dans la Loire-Atlantique, « 70 % des ophtalmos » ont déjà centralisé leurs lettres de déconventionnement, selon le Dr Lionel Storck. « A partir du 1er mai, et pour une durée illimitée, les ophtalmos du 44 vont annuler leurs consultations et les opérations chirurgicales non urgentes », prévient-il.
Dans la Sarthe, la quasi-totalité des ophtalmologistes, mais aussi des gynécologues-obstétriciens, dermatologues, pédiatres et ORL de secteur I, menacent de se déconventionner collectivement « à partir du 5 mai », selon le bureau de la coordination départementale, dont fait partie le Dr Pierre Fillon, qui n'est autre que le frère du ministre des Affaires sociales.
Le Finistère, l'Ille-et-Vilaine, les Côtes-d'Armor, seraient prêts à entrer dans la danse un peu plus tard.
Les médecins des coordinations mettront-ils leurs menaces à exécution, alors que le déconventionnement implique des remboursements dérisoires pour leurs patients ?
Appel au ministre de la Santé
Il y a quelques jours, le directeur de la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) de Nantes, Claude Frémont, déclarait que les menaces de déconventionnement s'apparentaient de toute façon à « des sabres de bois », puisque le règlement conventionnel minimal (RCM) auquel ils sont soumis ne prévoit aucune procédure de déconventionnement à la seule initiative des médecins spécialistes. « La ségrégation » dont sont victimes les médecins est « tout à fait plaidable » en justice, rétorque pour sa part un membre de la coordination de la Sarthe.
De leur côté, les deux principaux syndicats de spécialistes, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) et le Syndicat des médecins libéraux (SML), ne donnent aucun mot d'ordre de déconventionnement, même s'ils « comprennent » la participation de certains de leurs adhérents au mouvement de révolte du Grand Ouest. La CSMF et le SML voient dans l'affaire de Nantes, après la rupture définitive des négociations conventionnelles, « une épreuve de force » engagée par les caisses d'assurance-maladie contre les médecins libéraux. La CSMF et le SML contestent une fois de plus la gravité de la sanction pour le Dr Hamard, « sans qu'il ait commis la moindre faute médicale » et « sans appel suspensif » possible. Les deux syndicats « en appellent au ministre de la Santé, chargé du dossier de l'assurance-maladie, pour faire arrêter cette injustice flagrante » et annoncent « un plan d'actions gradué qu'ils dévoileront par paliers successifs ».
En attendant, la CSMF et le SML proposent une sorte de mise en quarantaine de la Sécu. Aux médecins, ils « demandent à tous les médecins de cesser tout contact avec les caisses d'assurance-maladie en ne répondant à aucune enquête, appel téléphonique ou courrier envoyé par lettre simple » ; et, à leurs représentants dans les différentes instances (unions professionnelles...), ils recommandent de « cesser toute relation avec les caisses tant au niveau national, régional, départemental que local ».
Et ce n'est pas la dernière proposition des trois caisses de Nantes qui fera changer d'avis la CSMF et le SML, bien au contraire. Les caisses ont en effet proposé vendredi de « revoir la durée de la peine [du Dr Hamard] si les syndicats font un pas » en dissuadant les confrères de pratiquer des dépassements d'honoraires. « Ce n'est pas un recul », a assuré le célèbre directeur de la CPAM de Nantes, qui vise surtout à ce que « les assurés sociaux se voient appliquer des honoraires normaux ».
Le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, oppose un « niet total et catégorique » à cette main tendue. « Je ne vois pas comment un directeur de caisse peut avoir droit de vie ou de mort [professionnelle, NDLR] sur un médecin, surtout en RCM. Ils vont faire quoi, les patients du Dr Hamard ? Aller chez les confrères qui sont déjà débordés ? On ne peut pas admettre ça, c'est pourquoi nous réclamons la levée de la sanction AVANT toute discussion », ajoute le Dr Chassang. Le Dr Dinorino Cabrera, leader du SML, accuse l'assurance-maladie de pratiquer « la politique de l'otage fusillé pour l'exemple ». Scandalisé, le Dr Cabrera se dit prêt à « épuiser tous les recours », à savoir, au-delà du ministre Jean-François Mattei, « le président de la République, voire les instances européennes ».
Pendant la mise en quarantaine des caisses et les déconventionnements, les manifestations organisées par les coordinations continuent. Les prochaines se dérouleront à Versailles, place du Château, le 6 mai, et à Metz, devant la CPAM, le 7 mai.
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