DE NOTRE CORRESPONDANTE
«C'EST L'OCCASION de se poser de vraies questions, de sortir de la simple observation, pour prendre de bonnes décisions.» Patrick Romestaing, président du Conseil de l'Ordre des médecins du Rhône, qualifie même cette affaire de «salutaire». Rappelons les faits : en février 2008, les autorités sanitaires de Rhône-Alpes sont alertées par un établissement de santé qui signale un cas de septicémie faisant suite à une greffe capillaire réalisée à la clinique de médecine capillaire et Espace esthétique médical de Lyon. En avril, à la demande du préfet du Rhône, l'inspection réalisée par la Direction départementale de l'action sanitaire et sociale (DDASS) et de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) met en évidence une cascade de mauvaises pratiques dans les procédures d'hygiène, de désinfection, d'évacuation des déchets et de stérilisation. Ces constats conduisent alors le préfet à suspendre, dès le 24 avril, l'activité de greffe capillaire de l'établissement et à missionner un groupe d'experts médicaux afin d'évaluer les risques de transmission virale. Ces risques n'ayant pu être éliminés, le préfet a donc enjoint aux praticiens de cette « clinique » d'informer les 2 700 clients du centre, répertoriés entre 1997 et 2008. Ce qui, visiblement, n'a pas été fait, d'où l'intervention du ministère de la Santé, qui, le 24 septembre, a mis en place un Numéro Vert pour orienter les patients (0.800.880.700).
Sanctionner ou prévenir ?
Il se trouve que, après Lyon, l'activité de deux cliniques du même réseau, situées à Nantes et à Bordeaux, a été suspendue en raison des mêmes dysfonctionnements. Or il ne s'agissait pas d'une première puisque des «manquements» du même ordre avaient déjà été précédemment pointés dans le centre nantais, où le personnel «cassait la croûte au bloc opératoire», selon les constats de l'Observatoire sur les fraudes aux greffes de cheveux (OFGC).
En parallèle, l'attention de l'Ordre du Rhône avait également été attirée au milieu de l'année 2007 par l'un des médecins de la « clinique » lyonnaise, bizarrement inscrit au tableau de l'Isère et donc sans autorisation d'exercer dans le Rhône. «Nous nous étions renseignés sur cette clinique et avions constaté qu'il s'y pratiquait des techniques chirurgicales que ce médecin n'était pas habilité à réaliser», explique le Dr Romestaing, qui précise avoir, par conséquent, convoqué le médecin en question et lui avoir signifié qu'il devait se «mettre en conformité». L'affaire en était cependant restée là jusqu'à ce que les autorités sanitaires interpellent l'Ordre, au début de 2008, après la septicémie d'un client du centre de médecine capillaire lyonnais. «Ayant un fait nouveau et grave, nous avons pu saisir la juridiction disciplinaire, et l'affaire est donc en cours», ajoute le président de l'Ordre du Rhône. Du côté de la clinique lyonnaise, c'est le silence radio.
Pour l'heure, la conclusion de cette affaire est qu'il reste toujours possible, en France, de créer un plateau technique quasi chirurgical, baptisé « clinique », géré par une SARL, et susceptible d'échapper à tout contrôle sanitaire. «Laisser utiliser le mot “clinique”, qui a une consonance de santé indiscutable, par des entreprises n'ayant rien à voir avec le domaine de la santé ne devrait pas être toléré», estime le président de l'Ordre des médecins du Rhône. Des décrets datant de 2005 précisent clairement quels sont les équipements et conditions d'hygiène requis dans les établissements de chirurgie esthétique et plastique. Pour les cabinets médicaux, qui ne sont d'ailleurs pas soumis aux contrôles sanitaires systématiques, des articles du code de santé publique et du code de déontologie stipulent clairement que l'hygiène doit être une préoccupation du médecin. «Mais, pour nous, ces centres ne sont pas des cabinets médicaux», observe le Dr Romestaing.
Quelles seraient les «bonnes décisions» à prendre pour sortir de l'opacité de ce système ? Une partie de la réponse sera sans doute apportée par la justice. Le 23 septembre, le procureur de la République de Lyon a ouvert une information judiciaire contre X pour «mise en danger de la vie d'autrui» à l'encontre du gérant de la « clinique » lyonnaise et de cinq médecins impliqués.
La réglementation renforcée
Le ministère de la Santé a demandé aux DDASS et aux DRASS une vigilance particulière et des inspections ciblées. Il fait savoir que des travaux ont été engagés pour mieux encadrer les pratiques de microgreffes capillaires et, plus largement, les actes à visée esthétique. La réglementation devrait être renforcée dans les prochains mois.
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