« Quels livres allais-je pouvoir écrire maintenant ? », se demande-t-il au plus fort de son chagrin, alors que le corbillard emporte son père. Une question en forme d'aveu de reconnaissance, de la même façon qu'il dédie ce roman à ses parents « qui (ne sachant ni lire ni écrire) n'auront jamais pu lire un de mes livres ».
Ainsi donc, alors qu'il court le monde de congrès en conférence, a-t-il appris la mort de son père, dans un hôpital anonyme. Déjà toute la smala est là : ses six frères et sœurs, la famille, les amis, les anonymes, peu encore en comparaison de la foule qui l'accompagnera à sa dernière demeure chez lui, dans un village près de Sétif. Car il ne faut pas croire : l'immigré qui parlait à peine français était un homme respecté car il avait, comme Christophe Colomb, ouvert la voie du nouveau monde... « celui du BiTiPi et de son taux d'accidents mortels le plus élevé de l'industrie française ».
Les dernières formalités avant l'envol pour l'Algérie et l'enterrement en terre natale sont l'occasion pour Azouz Begag de rendre hommage à ce père bien-aimé avec lequel il aimait se promener, enfant, main dans la main, un paysan converti en maçon acharné à gérer la pauvreté ; un homme ordinaire qui, comme ses congénères, ne s'est pas privé d'insulter et de battre sa femme « quand il était un vigoureux travailleur et se croyait obligé de prouver sa virilité », qu'à aucun moment il ne se permet de juger .
Sa disparition et le sentiment de délaissement qui en découle ravivent chez l'auteur une autre plaie qu'il évoque parallèlement, celle de la tromperie de sa propre épouse jusqu'au divorce qui l'a éloigné de ses deux filles. Un jour, dit-il, il écrira un roman sur un frère qu'il a accueilli chez lui et qui a tout pris, tout sali. A suivre.
Aujourd'hui, on compatit et on rit des piques qu'il ne se prive pas d'adresser avec humour aux membres de sa famille ou à ses amis, aux Algériens d'Algérie aussi, même si le ton se fait alors plus sérieusement critique.
Editions du Seuil, 251 p., 18 euros.
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