La cinquantaine
L'APP a été d'abord désigné sous les noms d'epithelioma à stroma remanié, puis de tumeur mixte (en raison de la présence d'un contingent épithélial et d'un contingent mésenchymateux), ce qui rend compte de la difficulté de son classement anatomopathologique. Cette tumeur s'observe à tous les âges de la vie, mais avec toutefois une prédominance vers la cinquantaine. Elle touche, en outre, plus fréquemment les femmes que les hommes.
Sur le plan clinique, l'APP se présente comme une masse indolore qui occupe l'aire parotidienne ; le plus souvent, la tumeur siège en pleine parotide. Elle a une consistance dure, bosselée, mais demeure mobile par rapport au plan cutané. Il n'existe pas de signes d'accompagnement : la tumeur est indolore, il n'y a pas d'adénopathies ni d'atteinte du nerf facial. La tumeur est donc le plus souvent découverte de manière fortuite par le patient, par exemple, lors du rasage s'il s'agit d'un homme.
Lorsqu'elle est décelée, la tumeur peut avoir une taille très variable selon le morphotype du sujet : dans le cas d'une personne maigre ou jeune, la palpation peut conduire à la découverte d'une tumeur dont la taille n'excède pas 1 cm, alors que, dans le cas d'un individu obèse, la tumeur ne sera découverte que lorsqu'elle aura atteint une taille plus importante ; il en va de même chez les sujets ayant de grosses parotides. Parfois aussi, l'identification est rendue difficile en raison de la localisation de la tumeur ; celle-ci peut, en effet, se développer sur un prolongement de la glande parotide, se traduisant alors par une tuméfaction cervicale, voire jugale.
Explorations
Face à une tumeur parotidienne, il est indispensable de pratiquer des explorations complémentaires, car certains cancers peuvent simuler un APP. De fait, près des deux tiers des cancers de la parotide présentent le même tableau clinique qu'une tumeur mixte : il n'y a pas de douleur ni d'adénopathies ni d'atteinte du nerf facial. Ce bilan complémentaire est non seulement nécessaire pour affirmer l'APP, mais aussi pour planifier l'approche chirurgicale qui sera mise en oeuvre et informer le patient de façon appropriée. En effet, du fait des moyens d'information aujourd'hui disponibles (Internet et autres), les tumeurs parotidiennes jouissent d'une certaine médiatisation, de sorte que, très souvent, les patients questionnent d'emblée le chirurgien non seulement sur le caractère bénin ou malin de la tumeur, mais aussi sur l'éventuel risque de paralysie faciale liée à l'intervention.
L'IRM est en passe de devenir l'examen de référence pour les tumeurs parotidiennes, la majorité des équipes y ayant aujourd'hui recours de façon quasi systématique. En effet, les données de l'IRM permettent le plus souvent d'établir la nature de la tumeur. Cet examen est, en outre, indispensable pour préciser le siège exact de cette dernière, ainsi que les difficultés chirurgicales potentielles, car certaines localisations anatomiques, notamment au niveau du lobe profond de la parotide, en position endofaciale, sont de traitement chirurgical plus délicat.
L'éventuelle difficulté d'accès à cet examen ne doit donc pas être un argument pour s'en passer, car, même si le rendez-vous ne peut être obtenu avant plusieurs semaines, cela n'est pas un problème majeur dans la mesure où la prise en charge chirurgicale s'effectue rarement dans l'urgence.
Le second examen utile est la cytoponction à l'aiguille fine. Il s'agit d'un examen simple et peu coûteux qui ne présente aucune contre-indication. Sa valeur diagnostique (caractère bénin ou malin de la tumeur) est, en outre, excellente. Il peut également préciser la nature de la tumeur, contrairement à l'IRM qui ne fournit pas d'élément cytologique. Comme pour toutes les cytoponctions, il existe toutefois un risque de faux positif et de faux négatif.
L'information
La découverte d'un APP impose une sanction chirurgicale quelles que soient les données paracliniques. L'intervention de base est la parotidectomie exploratrice avec biopsie extemporanée. L'information préalable du patient est essentielle et doit être complète. Il y a lieu d'exposer les risques inhérents à toute chirurgie, mais aussi les problèmes plus spécifiques tels que la dépression rétromandibulaire, l'hypoesthésie cutanée transitoire (pouvant persister de 3 à 6 mois) qui est due au décollement du plan cutané (comme après un « lifting »), ainsi que l'apparition d'un syndrome de Frei, c'est-à-dire d'une hypersudation dans la région opératoire, survenant environ 6 mois après l'intervention.
Pour l'essentiel, l'information portera sur le risque concernant le nerf facial. Il faut prévenir le patient qu'il est susceptible de présenter une parésie faciale postopératoire pouvant durer de 1 à 3 mois. L'importance de cette parésie dépend du geste réalisé : elle est nettement plus importante en cas de parotidectomie totale que si le geste se limite à une parotidectomie exofaciale. En effet, un tel déficit transitoire du nerf facial est observé dans 70 % des parotidectomies totales, alors que son incidence n'est que de 30 % lors des interventions exofaciales.
Le monitorage du nerf facial ( cf. encadré) est de plus en plus utilisé pour tenter de limiter ce risque de parésie faciale.
Quelle stratégie ?
La prise en charge chirurgicale de l'APP suscite encore une controverse entre les partisans de la parotidectomie totale systématique et les praticiens qui privilégient un geste chirurgical plus limité.
A l'heure actuelle, la parotidectomie totale de principe n'est plus justifiée, car toutes les métaanalyses confirment que le taux de récidive n'est pas différent de celui de la parotidectomie exofaciale (de l'ordre de 2 à 3 %). Il apparaît, en effet, que les récidives ne sont pas dues au caractère multifocal de la tumeur, comme on le pensait autrefois, mais à l'exposition de la capsule de cette dernière au cours de l'acte chirurgical. Le principe de base de la chirurgie de l'APP est de réaliser l'exérèse tumorale sans exposition capsulaire, emportant la tumeur entourée d'une marge de tissu glandulaire de sécurité, ce qui peut être réalisé par une parotidectomie exofaciale lorsque les conditions anatomiques le permettent.
D'après un entretien avec le Pr Michel Zanaret, service de chirurgie ORL, hôpital de la Timone, Marseille.
Nerf facial
La pratique du monitorage du nerf facial tend à se développer depuis quelques années ; cette approche consiste à détecter la présence du nerf par l'application de stimuli électriques au moyen d'électrodes. Il n'existe cependant aucune publication démontrant qu'un tel monitorage diminue le risque de lésion nerveuse. En chirurgie première, ce monitorage reste donc optionnel. En revanche, il est obligatoire lors du traitement chirurgical des récidives.
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