« VIEUX » médicament qui n'a pas fait l'objet de l'évaluation aujourd'hui requise pour qu'une nouvelle molécule obtienne l'AMM, le méthotrexate n'en est pas moins un produit extrêmement efficace, qui garde une place de choix dans l'arsenal thérapeutique.
Ainsi, dans le psoriasis, il constitue, avec la ciclosporine et les rétinoïdes, un traitement systémique de première ligne, s'inscrivant juste après la photothérapie. La place du méthotrexate, au sein des traitements du psoriasis, est donc aujourd'hui relativement claire, précise le Pr Philippe Bernard, puisque « cette molécule est indiquée dans les formes sévères ou étendues pour lesquelles un traitement local devient impossible ». Le Pr Bernard ajoute à cet égard que, à côté du critère de surface corporelle sur lequel, en théorie, s'appuie la décision de recourir à un traitement systémique per os, d'autres caractéristiques peuvent, en réalité, également intervenir dans le choix thérapeutique. Ainsi lorsqu'il existe de multiples sites lésionnels de petite taille, la PUVAthérapie peut devenir rapidement irréalisable, les effets secondaires pesant alors autant que les bénéfices escomptés. De même, certaines localisations, comme les atteintes acrales ou celles du cuir chevelu, sont souvent extrêmement gênantes, à l'origine d'un retentissement majeur sur la qualité de vie.
Efficacité et innovation thérapeutiques
L'arrivée des biothérapies a-t-elle détrôné le méthotrexate ? Non, pas plus que ne l'ont fait en leur temps la ciclosporine et les rétinoïdes. Car « les grands médicaments survivent toujours aux innovations thérapeutiques », souligne le Pr Bernard. Rappelons que les anti-TNF sont pour l'instant des molécules de seconde intention dans le traitement du psoriasis. De plus, leur efficacité n'a pas été évaluée contre le méthotrexate, alors que des études comparatives ont été menées avec la photothérapie et la ciclosporine, par exemple. Selon Philippe Bernard, « il serait pourtant très intéressant de préciser la place du méthotrexate par rapport aux biothérapies », car cela permettrait d'organiser la stratégie thérapeutique en fonction d'une hiérarchie d'efficacité. En revanche, les données sont beaucoup plus fournies sur les possibles effets secondaires des biothérapies et, aujourd'hui, le choix thérapeutique s'effectue finalement tout autant sur des arguments d'efficacité que de tolérance.
Quoi qu'il en soit, disposer d'armes supplémentaires représente un atout certain. Cet enrichissement de la palette des traitements permet notamment la possibilité d'une rotation thérapeutique et, donc, une économie des effets secondaires. Il s'agit d'une notion déjà bien connue avec la ciclosporine : on connaît maintenant l'intérêt, en termes d'épargne de toxicité rénale, de savoir arrêter à temps la prescription de cet immunosuppresseur.
Une sous-prescription en ville
Quant aux effets secondaires du méthotrexate, ils sont très rares, à condition de prendre en compte les contre-indications, d'effectuer une surveillance clinique et biologique régulière et de prescrire un régime sans alcool et limité en graisses.
« Parmi les traitements systémiques du psoriasis, le méthotrexate est un des rares à pouvoir être facilement prescrit en dermatologie de ville », souligne le Pr Bernard, qui ajoute que la surveillance biologique se limite actuellement à une prise de sang mensuelle. Préconisée autrefois de façon systématique et au-delà d'une dose cumulative de 1,5 g, la ponction-biopsie hépatique est maintenant rarement effectuée, puisque seulement en cas d'une hausse significative des transaminases (jusqu'à deux ou trois fois la normale). En l'absence de polymédication pouvant inciter à un suivi plus rapproché, l'expérience des rhumatologues a montré qu'un bilan hépatique trimestriel était suffisant. Quant à l'acide folique, son adjonction n'est plus de mise car, s'il permet une légère amélioration de la tolérance hépatique, il diminue aussi l'efficacité de la molécule.
Il reste que, malgré des qualités qui le rendent particulièrement adapté à une utilisation ambulatoire, le méthotrexate est apparemment moins prescrit qu'il ne le devrait par les dermatologues libéraux, déplore le Pr Bernard, qui constate que les praticiens sont, en revanche, beaucoup moins réticents à recourir aux rétinoïdes, médicaments qu'ils manient beaucoup plus souvent, en particulier pour traiter l'acné.
D'après un entretien avec le Pr Philippe Bernard, centre hospitalier universitaire de Reims.
Au-delà du psoriasis
Si l'AMM du méthotrexate se limite pour l'instant au psoriasis, d'autres affections font aussi l'objet de travaux très intéressants. Ainsi en est-il des lymphomes cutanés où le méthotrexate pourrait représenter le premier traitement systémique après la caryolysine, la corticothérapie locale et la photothérapie. Un programme hospitalier de recherche clinique dans la pemphigoïde bulleuse est également en cours.
Plusieurs équipes, dont celle du Pr Pascal Joly, étudient le méthotrexate dans la pelade. Administré à dose élevée (25 à 30 mg/semaine) dans les formes décalvantes ayant résisté à tous les autres traitements, le méthotrexate a entraîné jusqu'à 60 % de répousses complètes. Enfin quelques études ouvertes ont mis en évidence l'intérêt potentiel de cette molécule, en monothérapie ou en association, dans le lupus, de même que dans les vasculites. Dans la dermatomyosite, notamment de l'enfant, l'adjonction de méthotrexate permettrait une épargne cortisonique.
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