SALE TEMPS pour les informaticiens de l’assurance-maladie : après l’incroyable bug du nouveau service en ligne de la Cnam sur les parcours de soins, qui a permis à des praticiens astucieux de vérifier en quelques clics la situation de Jacques Chirac, Philippe Douste-Blazy ou Nicolas Sarkozy par rapport au médecin traitant (« le Quotidien » du 16 février), voilà que l’Urcam de Limousin a fait encore plus fort. Pendant plusieurs semaines, elle a laissé sur son site en libre accès… les comptes rendus des entretiens nominatifs entre des dizaines de médecins généralistes de Corrèze et les délégués de l’assurance-maladie (DAM) du département avec observations, remarques et commentaires à la clé. Le cafouillage a été corrigé vendredi dernier. Auparavant, quiconque visitait le site de l’Urcam pouvait accéder aux fichiers détaillés de l’activité des DAM de Corrèze : nom et prénom du médecin visité (refus éventuel), ville d’exercice, durée de l’entretien, qualité de la visite ( «excellent», «plutôt bon», «mitigé» ou «médiocre»). Et diverses appréciations concernant la situation du professionnel au regard de la convention ( «n’approuve pas», « contraint et forcé»…) et son implication dans la maîtrise médicalisée des dépenses, poste par poste de prescriptions.
Excuses.
Sans oublier les justifications de chaque médecin. Un excès d’antibiotiques ? Tel médecin est «conscient de l’effort à fournir», tel autre évoque «la pression des mères de famille», le troisième explique qu’il est «difficile de modifier ses habitudes avec des patients âgés» ou «utilise le TDR mais pas de manière systématique». A propos des statines, on pouvait lire : «pression des cardiologues», «ne comprend pas pourquoi ce thème est mis en évidence», «prescrit en première intention des fibrates»… Dans la colonne « IJ », tel médecin déclare avoir «perdu des patients pour refus de prescription d’arrêts de courte durée». Dans le domaine des anxiolytiques, un médecin, confronté à une forte demande, explique n’avoir «pas le temps de faire de la psychanalyse et n’être pas formé pour cela». Sur les ALD, un autre avoue son «relationnel difficile avec les médecins-conseils». Et le reste à l’avenant.
Furieux, le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF-Généralistes, dénonce le «dérapage scandaleux» d’une assurance-maladie «qui se croit tout permis» et une «agression caractérisée qui n’a rien du hasard…». La FMF-G demande un entretien avec le directeur de la Cnam, Frédéric van Roekeghem, et avec le ministre de la Santé, Xavier Bertrand. Le syndicat réclame la suppression des DAM et se réserve le droit de porter cette affaire devant la justice.
L’Urcam du Limousin ne nie pas sa responsabilité, mais s’efforce de calmer le jeu. Son directeur, Jacky Herbuel-Lepage, explique que l’Urcam a mis en place au début de 2005 un «espace sécurisé spécifique» sur son site permettant d’héberger et de coordonner les interventions des DAM, mais aussi les entretiens confraternels pilotés par les médecins-conseils. Une «erreur» dans la sécurisation de cet outil aurait rendu une partie de cet espace accessible, en l’occurrence les comptes rendus des visites des DAM de Corrèze. «C’est une anomalie informatique, affirme le directeur de l’Urcam. Nous n’avions aucun intérêt à mettre ces informations à disposition de tout le monde.»
Dans un contexte conventionnel déjà tendu, la Cnam a pris l’affaire très au sérieux. On précise que la découverte d’informations nominatives ayant trait à la maîtrise médicalisée sur le site de l’Urcam-Limousin «a entraîné la réaction immédiate» de la direction générale de l’assurance-maladie, qui «a donné instruction de retirer ce compte rendu» dès vendredi dernier . La direction de la Cnam a également «diligenté un audit sur le site Internet de l’Urcam Limousin et sur les conditions de validation de son contenu».
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