« Vous êtes acquitté de la totalité des faits », a déclaré le président de la Cour d’assises des Pyrénées-Atlantiques à Pau à l’adresse du Dr Nicolas Bonnemaison. L’urgentiste, 53 ans, était jugé pour 7 empoisonnements sur des patients en fin de vie, entre mars 2010 et juillet 2011, dans l’unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD) du service des urgences de l’hôpital de Bayonne.
Il encourait la réclusion criminelle à perpétuité. Mais dès mardi 24 juin, l’avocat général avait requis 5 ans d’emprisonnement avec sursis, sans interdiction d’exercice de la médecine. « Vous n’êtes pas un assassin. Pas un empoisonneur. (...) Vous avez agi en médecin qui s’est trompé », avait déclaré Marc Mariée. Seules deux familles s’étaient déclarées partie civile, pour « comprendre ».
Les jurés, à l’issue de 4 heures de délibération, ont estimé que le Dr Bonnemaison avait agi dans son unité dans un « contexte bien spécifique » de patients âgés incurables dont les traitements avaient été arrêtés préalablement, et conformément à la loi. « Il n’est pas démontré qu’en procédant à ces injections (d’hypnovel et de norcuron), il avait l’intention de donner la mort aux patients, au sens de l’article 221-5 du Code pénal », même s’il n’a pas informé les familles ou les soignants à chaque fois, ont-ils considéré. « Estimant de bonne foi que ses patients souffraient physiquement et psychiquement, il a (...) recherché une sédation des patients sans qu’il soit établi par les débats que ces sédations avaient pour but le décès des patients », analysent les jurés, qui ont répondu par la négative aux 14 questions qui leur étaient soumises (deux par patients décédés dont la première porte sur la culpabilité du médecin).
Désaveu de l’Ordre
« J’ai agi en médecin comme je le conçois jusqu’au bout du bout » avait lancé le Dr Bonnemaison au cours de sa dernière prise de parole ce matin.
Les avocats de l’urgentiste ont salué une « décision énorme » susceptible de forcer les politiques à « aller plus vite » dans la réforme de la loi sur la fin de vie. Ils ont souligné le « télescopage judiciaire exceptionnel » avec les décisions rendues mardi au sujet de Vincent Lambert et la décision samedi 21 juin, du Premier ministre Manuel Valls de confier à Jean Leonetti (UMP, Alpes-Maritimes) et Alain Clayes (PS, Vienne) de préparer un nouveau texte de loi sur l’accompagnement des personnes en fin de vie.
Ils ont exigé que le médecin, radié par le Conseil national de l’Ordre des médecins en première instance puis en appel en avril dernier, puisse « retrouver sa blouse blanche ». Le Dr Nicolas Bonnemaison avait formé un recours devant le Conseil d’État, en cours d’examen.
Occasion d’une réflexion sur la fin de vie
Tout au long des 11 jours de procès, près de 70 témoins se sont succédé à la barre, décrivant souvent la solitude des médecins dans les petits hôpitaux, face à la mort et surtout à l’agonie, toujours trop longue.
L’avocat général a estimé que ce procès pourrait être « l’occasion d’une nouvelle réflexion » sur la fin de vie. Cette décision conforte la nécessité « de faire évoluer notre cadre législatif » a commenté le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll.
L’association des urgentistes de France (AMUF) a salué le verdict du procès et le courage des médecins et des soignants de Bayonne. « Ce verdict démontre que la loi Leonetti doit être améliorée afin qu’à l’avenir les médecins puissent l’appliquer en conformité avec la volonté des malades, des familles, de l’éthique et de la déontologie », a déclaré l’AMUF.
L’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) a demandé la légalisation de l’euthanasie, tandis que l’Alliance Vita regrette « une orchestration de l’émotion ».
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