Recto-colite hémorragique

L'acide 5-aminosalicylique a encore de l'avenir

Publié le 22/11/2007
Article réservé aux abonnés

Lors d'un symposium consacré aux perspectives dans le traitement des maladies chroniques inflammatoires de l'intestin, le Pr Simon Travis (Oxford) a fait le point sur l'acide 5-aminosalicylique (5-ASA). Selon lui, l'efficacité de la monoprise quotidienne, l'apparition de comprimés gastrorésistants et les possibilités d'associer traitement oral et traitement local « font de ce médicament relativement ancien un produit d'avenir ».

DANS LA prise en charge de la recto-colite hémorragique, le 5-ASA reste irremplaçable. On comprend donc que beaucoup d'efforts soient consentis pour améliorer l'efficacité et l'observance du traitement par des modalités posologiques et galéniques optimisées.

La monoprise quotidienne.

Lors de la Semaine américaine de gastrologie (Digestive Disease Week), qui s'est tenue en mai dernier à Washington, une étude présentée avait comparé trois prises quotidiennes de 1 g de mésalazine à une monoprise de 3 g le matin – complétée, pour la circonstance, de comprimés placebo le midi et le soir (Kruis W et coll. Gastroenterology 2007 ;132 [2] : A130). Que l'analyse soit réalisée en per protocole ou en intention de traiter, aucune différence significative n'existait entre les deux modalités thérapeutiques en termes de rémission à huit semaines. Toutes les tendances étaient cependant en faveur de la monoprise.

Une confirmation a été apportée lors de la Semaine européenne de gastroentérologie (UEGW) par une nouvelle étude, projetée au départ comme étude de non-infériorité, dont les résultats se sont révélés clairement en faveur de la monoprise – et significativement cette fois. Menée chez 362 patients, traités par 2 g de mésalazine en une seule ou deux prises par jour, l'étude montre un avantage en faveur de la monoprise en termes de rémission clinique et endoscopique à douze mois, ainsi qu'un bénéfice en termes d'observance et d'acceptabilité par les patients (Dignass AU et coll. Gut 2007 ; 56[III] : A46). Pour le Pr Travis, on peut donc parler de supériorité de la monoprise.

La deuxième amélioration est d'ordre galénique.

Il s'agit des comprimés gastrorésistants permettant la libération prolongée de mésalazine (Multi Matrix System : MMX). Les essais menés avec Mezavant ont démontré son efficacité comparativement au placebo (Kamm MA et coll. Gastroenterology 2007 ; 132 : 66-75). Au-delà de la mésalazine, le principe de l'enrogage gastrorésistant pourrait être utilisé pour délivrer d'autres molécules in situ, note le Pr Travis.

Enfin, le bénéfice d'un traitement à haute dose, associant prise orale en administration par lavements, a été démontré. Comparativement au traitement oral seul (2 x 2 g/j de mésalazine), l'adjonction durant quatre semaines d'un lavement quotidien (1 g de mésalazine) offre un bénéfice additionnel en termes de rémission et d'amélioration à quatre et huit semaines (Marteau P et coll. Gut 2005 ; 54[7] : 960-5).

Avec les lavements, on s'écarte évidemment de l'objectif de simplicité recherché à travers la monoprise quotidienne. Les auteurs de l'étude notent toutefois dans leur conclusion que «le traitement est sûr, bien accepté, et peut être considéré comme un traitement de première ligne».

Au total, donc, des nouveautés suffisamment nombreuses et importantes sont intervenues récemment dans le maniement du 5-ASA pour que l'on puisse encore parler de produit d'avenir. Et c'est sans doute heureux car, comme le soulignait le Pr Daniel Hommes (Pays-Bas) en conclusion du symposium, dans le domaine des maladies chroniques inflammatoires de l'intestin, on est encore loin d'avoir acquis la masse des connaissances qui permettrait de développer des stratégies véritablement thérapeutiques, s'adressant à la cause même des poussées inflammatoires.

D'après la communication du Pr Simon Travis (Oxford), lors d'un symposium consacré aux développements thérapeutiques dans les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin.

Les SEGRA

A côté du 5-ASA remis au goût du jour, le récepteur aux glucocorticoïdes reste une cible thérapeutique sur laquelle on continue aussi de se pencher. On connaît les inconvénients des ligands habituels de ce récepteur en termes d'effets secondaires. Mais une nouvelle classe d'agonistes, baptisés SEGRA (Selective Glucocorticoid Receptor Agonists), est en cours de développement, dans l'objectif d'améliorer le rapport entre bénéfice et risque.

Schématiquement, le mode d'action de ces molécules repose sur une dissociation des actions transactivatrice et transinhibitrice du récepteur. Lorsque le récepteur aux glucocorticoïdes, activé, est internalisé dans le noyau cellulaire, il stimule directement l'expression de certains gènes et en inhibe indirectement certains autres, via des interactions avec des facteurs de transcription de type NF-KappaB. Les deux actions, transactivatrice et transinhibitrice, sont impliquées à la fois dans l'effet anti-inflammatoire et dans des effets secondaires. Des SEGRA permettant de dissocier ces deux actions, et de jouer sur leur répartition, pourraient toutefois permettre de gagner sur le plan des effets secondaires, sans perdre sur le plan thérapeutique.

En fait, c'est en dermatologie que ces molécules sont actuellement développées. Selon le

Pr Khusru Asadullah (Berlin), certains composés, testés en application topique ou en injection sous-cutanée, ont fait preuve d'une activité anti-inflammatoire similaire à celle de la prédnisolone, avec une diminution de certains effets secondaires (tyrosine amino-transférase, glucose sanguin).

Pour le Pr Asadullah, «la preuve de l'intérêt du concept» est faite. Pour le moment, les SEGRA ne sont évidemment pas des médicaments. Mais il s'agit certainement d'outils très utiles pour étudier les différentes voies moléculaires des effets thérapeutiques et des effets indésirables de l'activation du récepteur et mettre au point des agonistes à la sélectivité optimisée.

> VINCENT BARGOIN V. B.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8263