À l’heure où les nuages s’amoncellent sur l’avenir du système français de protection sociale, y a-t-il un risque d’une médecine à deux vitesses, entre les riches et les pauvres ? Pour Xavier Emmanuelli, le cofondateur de Médecins sans frontières (MSF), et fondateur du Samu Social, le danger certes existe. Mais il ne faut pas négliger un autre type de fracture entre les populations, celle de l’accès ou non à un plateau technique de qualité.
Au croisement de l’économique et de l’éthique
Cette médecine de plus en plus technologique dessine de nouveaux enjeux et soulève des questions à la frontière entre l’économique et l’éthique. Avec le danger de croiser alors les problématiques.
Faut-il par exemple redouter la médecine du désir, celle qui proclame le droit à l’enfant si possible parfait ?
Les chiffres présentés par le Pr Denis Oriot (Chef de service de néonatologie et de réanimation, Chu de Poitiers) lors du colloque, renvoient une image de l’Hexagone qui pour le moins provoque de lourdes interrogations. La France en effet serait classée à la première place en Europe, tant pour le taux d’aide médicale à la procréation que pour celui d’interruption médicale de grossesse (2,65/1000 versus 0-0,5/1000 dans les autres pays européens) ou celui d’euthanasie néonatale. Quels sont les motifs d’IMG en France ? Elles sont pratiquées dans 33 % des cas pour des pathologies létales, mais dans 60 % des cas pour des suspicions de retard mentaux ou moteurs. Dans le même temps, le taux de prématurité ne cesse de progresser. À cet égard, des études permettent de distinguer une prématurité frappant les classes aisées de celle touchant les milieux populaires. Dans le premier cas de figure, il s’agit d’une mère plutôt âgée, primipare, de niveau universitaire, vivant en couple et disposant d’un emploi stable. Dans le second cas, la mère est plutôt jeune, multipare, d’un niveau scolaire qui ne dépasserait pas le collège. Ces différences sociales se traduisent par des résultats inégaux en matière de mortalité (8,4 % dans le premier groupe, 12,4 % dans le second groupe) ou de séquelles (7 % dans le premier groupe, 11,4 % dans le second). « Faut-il encore parler d’inégalités de santé ou d’injustices », résume le Pr Denis Oriot.
Le baby-business américain pèse 3 milliards de dollars/an
Comment intervient dans cet environnement la question économique ? Tout simplement parce que dans un contexte où les ressources sont rares, 50 % des crédits dans les services de réanimation néonatale sont consommés pour suivre 1,3 % des naissances prématurées survenues après 33 semaines d’aménorrhées. Les autres 50 % sont réservés à la prise en charge des 98,7 % d’enfants nés après cette date. Quant aux PMA qui bénéficient d’une prise en charge à 100 % en cas de respect d’un certain nombre de critères, on ne connaît pas leur poids économique en France. Aux États-Unis, le baby-business pèse près de trois milliards de dollars par an. Faut-il alors parler de médecine de confort ?
Derrière les arguments économiques rationnels, on voit poindre d’autres questions récurrentes à la lisière de l’interrogation éthique et religieuse sur ce type de pratique.
Comment alors décider ce qui doit toujours être pris en charge par la collectivité et ce qui ne l’est plus ? En tout état de cause, « il faut commencer par un effort de pédagogie. Il faut mettre les choix possibles devant l’opinion publique », suggère Dominique Coudreau (conseiller auprès du président directeur général de la Générale de Santé). « Nous devons gérer cette tension entre contrainte économique et accès aux soins, conclut le Père Brice de Malherbe, (codirecteur du département Éthique biomédicale, Collège des Bernardins). Le système de soins ne peut être parfait ».
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