L’ÉVÉNEMENT - Opération transparence sur la formation, l’exercice, les revenus et la retraite

L’Académie s’attaque aux idées reçues sur le métier de chirurgien

Publié le 29/04/2013
Article réservé aux abonnés
1367198032429208_IMG_104193_HR.jpg

1367198032429208_IMG_104193_HR.jpg
Crédit photo : S TOUBON

Privilégiés, mandarins, « gros dépasseurs », émoluments mirobolants... : face aux idées reçues et aux accusations rapides, l’Académie nationale de chirurgie s’est livrée à une opération vérité sur le métier de chirurgien, de la formation à la retraite. Instructif.

RÉTABLIR LA VÉRITÉ auprès des jeunes en formation et du grand public. Tel est aujourd’hui l’objectif de l’Académie nationale de chirurgie qui, pour la première fois, est sortie de sa réserve pour défendre l’image d’une profession que les projecteurs éclairent souvent pour des raisons négatives. Petits privilèges, « retraites secrètes » des « médecins stars », dépassements extravagants, immobilisme, tour d’ivoire… L’Académie entend dénoncer des « campagnes médiatiques souvent tronquées, voire désobligeantes ».

L’institution souhaite aussi répondre aux « inquiétudes » des jeunes médecins, révélées par le mouvement de contestation de fin 2012 (contre l’encadrement des dépassements, la « privatisation » de la santé, les réseaux mutualistes). Formation, exercice, retraite : sur tous ces sujets, « la vérité doit être rétablie, insiste le Pr Jacques Baulieux, ancien président de l’institution : aujourd’hui, le chirurgien libéral n’est plus un nanti ».

• Une formation longue et ardue : n’est pas chirurgien qui veut !

14 voire 15 années de labeur post-bac sont nécessaires pour « devenir chirurgien autonome et exercer en pleine responsabilité », détaille le Pr Baulieux. Des études qui, contrairement aux idées reçues, « ne sont pas prises en charge par l’État ». Faiblement rémunérés pour leur (sur)charge de travail, les internes en chirurgie peinent à trouver leur place dans des services qui tendent à l’hyperspécialisation. « Leur fonction s’est dégradée avec le temps, déplore le Pr Baulieux. Les internes sont des super-externes et les chefs de clinique des super-internes ». Le sentiment d’inquiétude (voire de malaise) des jeunes est souvent diffus vis-à-vis d’un métier bouleversé par les nouvelles techniques et la robotique (lire aussi ci-dessous).

Ceux qui souhaitent embrasser une carrière hospitalo-universitaire accumulent diplômes, parutions et années de recherche. Parmi les PU-PH rapidement étiquetés « mandarins » de la médecine, seuls 10 % sont chirurgiens, expose l’Académie...

• Exercice : jusqu’à 100 heures hebdomadaires sous contraintes

Entre douze et 14 heures de travail anxiogène par jour (afflux de blessés, complications postopératoires, disponibilité constante, responsabilité...), sans compter les gardes de nuit et de week-end régulières. Passionnant, le métier exige une résistance physique et nerveuse peu commune. « Avec le temps passé aux tâches administratives et à l’enseignement, les chirurgiens viscéraux libéraux de Rhône-Alpes travaillent 101 heures par semaine...», cite en exemple le Pr Baulieux, d’après une enquête de 2010 de l’URPS.

Autre contrainte majeure : la judiciarisation de la profession, en constante augmentation. Un chirurgien libéral sur deux a été mis en cause en 2011, indique l’Académie, selon les chiffres du groupe MACSF-Sou médical. « Les primes d’assurance en responsabilité civile (RCP) ont augmenté de 115 % en dix ans », déplore le Dr Philippe Breil, chirurgien digestif. Un chirurgien viscéral dépense 26 000 euros d’assurance par an. De quoi tuer dans l’œuf quelques vocations (même si la discipline reste parmi les plus prisées des meilleurs étudiants classés à l’issue des ECN). Mais le métier a-t-il l’aura du passé ? Pour Jacques Baulieux, le pouvoir du chirurgien a diminué face aux anesthésistes, au pouvoir infirmier, à l’administration et aux urgentistes.

• Revenus : pas si nantis au regard des comparaisons internationales

« La vérité sur les émoluments et les dépassements doit être faite », martèle l’Académie. « Les excès, qui ont été stigmatisés, ne représentent que 1 à 2 % des dépassements, soit 280 médecins et chirurgiens qui ne respecteraient pas le tact et la mesure », rappelle le Pr Baulieux.

En 40 ans, les tarifs opposables n’ont été revalorisé que de 8,5 %, affirme l’institution. La nomenclature chirurgicale est largement obsolète et sous-tarifée, de l’aveu même de la CNAM. Recettes figées, CCAM inadaptée, charges qui galopent : l’équation est d’autant plus complexe que le chirurgien libéral est un chef d’entreprise. Et les émoluments sont plutôt inférieurs à ceux des chirurgiens des grands pays développés. Le secteur II est jugé « indispensable » pour faire face aux charges et assurer les investissements coûteux (cœlioscopie, robotique...). Ce n’est pas un hasard si 79 % des chirurgiens exercent en honoraires libres en 2011, une tendance encore plus marquée (85 %) chez les nouveaux installés.

La retraite ? La carrière étant assez courte (de 33 à 65 ans, et une installation en libéral à 38 ans), la période de cotisation est relativement faible. « Le niveau de pension des libéraux oscille entre 3 000 et 4 000 euros, annonce le Pr François Richard, nouveau président. Soit bien moins que les 5 000 à 7 000 euros des cadres supérieurs ».

 ANNE BAYLE-INIGUEZ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9238