DES RÉFORMES drastiques, plutôt que du colmatage et des rustines : l'Académie nationale de médecine suggère de changer de braquet pour remettre d'aplomb le système de santé français.
Le rapport du Pr Guy Nicolas est sévère. Ses conclusions, parfois à l'emporte-pièce, feront grincer quelques dents. Ramassé sur sept pages, le document pointe les erreurs passées, et avance des pistes pour sortir de «l'impasse». Pas un aspect du système de santé français n'est épargné par la critique : de la formation médicale à l'installation des praticiens, en passant par les revenus médicaux et la répartition des hôpitaux sur le territoire, «il est urgent de refondre en profondeur l'ensemble du système à partir d'objectifs prioritaires», écrivent les sages.
Certaines observations donnent le ton. «Le décideur, malgré beaucoup d'efforts et de bonne volonté, se heurte à un empilement de blocages construits au fil du temps par un corporatisme quasi institutionnel», écrivent notamment les académiciens. Les études médicales sont sévèrement égratignées : le jeune doctorant est perçu comme «un professionnel hybride inadapté à exercer correctement». Egalement dans le collimateur des académiciens, le paiement à l'acte, «nécessairement inflationniste», est remis en question. «Plutôt que de distribuer sous la pression au jour le jour 1euro par-ci, 2euros par-là, il serait plus légitime de prendre en compte la nature de l'acte intellectuel dispensé par chaque médecin» afin de mieux reconnaître la médecine générale, lit-on en dernière page du rapport.
Au rang des propositions figurent plusieurs idées : desserrer le numerus clausus, et introduire dans le concours de première année un entretien pour évaluer «les qualités humaines» des étudiants. Restreindre le tronc commun des études médicales aux trois premières années, «pour acquérir les bases», puis enchaîner aussitôt avec la spécialisation. Réviser les frontières entre les spécialités, qui «ne correspondent plus à la réalité de l'exercice». Evaluer les capacités des médecins à utiliser les nouvelles techniques tout au long de leur carrière. Autoriser les établissements de santé privés à devenir terrains de stage pour les internes. Remplacer l'exercice isolé de la médecine par des maisons de santé regroupant médecins et paramédicaux. Etablir un maillage hospitalier de premier niveau prenant en charge les urgences, et concentrer la chirurgie de pointe sur les grands centres hospitaliers. Conserver les petits hôpitaux pour les soins de proximité, mais leur retirer la chirurgie. Créer plus de souplesse dans la gestion des carrières hospitalières. Et, enfin, «s'orienter vers une politique équilibrée des revenus du monde médical quels que soient la spécialité ou le mode d'exercice», pour tenir compte de «la vraie pénibilité de l'exercice».
Le rapporteur, Guy Nicolas, a planché durant un an avec son groupe de travail – dont le Pr Guy Vallancien, auteur d'un récent rapport sur la chirurgie – pour parvenir à ces conclusions. Certaines de ses positions n'ont pas, semble-t-il, conquis tous les académiciens. Une quinzaine de sages ont voté contre le texte en séance – fait plutôt rare à l'Académie de médecine, où règne d'ordinaire un certain consensus. Malgré tout, le rapport a été adopté. Il sera publié une fois les amendements intégrés.
Rumeur.
Mais, avant même sa parution, le rapport Nicolas est précédé d'une rumeur qui en conteste l'objectivité. Certains notent un décalage entre les orientations que préconise aujourd'hui Guy Nicolas, et les décisions que ce professeur a prises à l'époque où il conseillait Bernard Kouchner sur les questions de démographie médicale – en 2001, Guy Nicolas s'est notamment prononcé pour un relèvement modéré du numerus clausus, n'excédant pas 6 000 places par an, alors que nous sommes aujourd'hui à 7 000 et que les projections démographiques indiquent que c'est insuffisant.
Le Pr Guy Nicolas a aujourd'hui encore un pied au ministère de la Santé, puisqu'il occupe la fonction de conseiller médical auprès de la directrice des hôpitaux. Il n'en faut pas plus pour que certains le suspectent d'avoir agi sur commande du ministre de la Santé en publiant ce rapport alarmiste. Xavier Bertrand, souffle-t-on ici ou là, souhaite tester les réactions des professionnels de santé face au vent de réformes que la droite aimerait lancer, si d'aventure elle remportait l'élection présidentielle. Les négociations conventionnelles mal embarquées avec les médecins libéraux expliqueraient peut-être que le rapport de l'Académie, plié depuis Noël, ne soit pas encore officiellement sorti.
Comment les médecins réagiront-ils à la lecture de ces sept pages ? L'un d'eux a eu accès au rapport. Il en relativise la portée : «En reprenant certains clichés sur le paiement à l'acte, dit ce praticien, le rapport de l'Académie de médecine vise la médecine libérale et va à contresens des évolutions actuelles, où la tarification à l'activité conduit la Fédération hospitalière de France à demander l'introduction du paiement à l'acte à l'hôpital.»
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