C'EST UN NOUVEAU RAPPORT sur la démographie médicale que rend public l'Académie de médecine. Elle n'y va pas de main morte : elle propose ni plus ni moins de confier à l'Ordre des médecins la lourde tâche d'organiser «l'encadrement des nouvelles installations de généralistes dans les zones déjà largement médicalisées». Un pavé dans la mare, même si l'auteur, Pierre Ambroise-Thomas, prend soin de préciser dans la foulée que la liberté d'installation devrait rester totale en dehors de ces zones déjà largement médicalisées.
Pour le reste, l'Académie recense des préconisations anciennes, comme l'interrégionalisation de l'examen classant national (ECN), que le Pr Yvon Berland prônait lui-même dans un rapport sur le même thème commandé par Xavier Bertrand. Le ministre de la Santé, après hésitation, n'avait pas retenu cette solution pourtant appelée de leurs voeux par un grand nombre de professionnels de santé.
Certes, un encadrement de la liberté d'installation a déjà été évoqué ici ou là. Mais en confier l'organisation à l'Ordre des médecins, voilà en revanche qui est nouveau, même s'il n'est pas sûr que cette mission soit de nature à améliorer l'image de marque de l'institution, parfois jugée comme trop punitive. L'Ordre est en effet en charge d'une fonction disciplinaire qui ne lui vaut pas que des amis, et la planification par ses soins de la répartition géographique des médecins libéraux serait à coup sûr vécue par une partie d'entre eux comme une nouvelle atteinte de l'institution à leur liberté.
Au Conseil national de l'Ordre, le Dr Jacques Mornat est notamment chargé des questions démographiques. Interrogé par « le Quotidien », il reconnaît que «si cette mesure devait être entérinée par les pouvoirs publics, il s'agirait là d'une limitation de la liberté d'installation». Le Dr Mornat précise d'ailleurs que cette mission ne relève pas actuellement des attributions du Cnom : «Il ne nous appartient pas de mettre nous-mêmes en oeuvre une politique de ce type, mais si les pouvoirs publics nous le demandent, nous le ferons, nous sommes là pour ça.»
Ce rapport sort peu de temps après une autre publication de l'Académie de médecine. Au début du mois de mars, le Pr Guy Nicolas publiait « Le corps médical à l'horizon 2015 » ; sans y aborder frontalement le thème de la liberté d'installation, l'auteur concluait ainsi : «Nous sommes conscients que le contenu de ce rapport dérange, que beaucoup des idées ont déjà été évoquées mais toujours évacuées car elles conduisaient à des changements dans des domainessensibles, voire intouchables,comme la liberté d'installation ou le paiement à l'acte. Nous pensons, aujourd'hui, qu'un débat sans préjugé doit être ouvert, que des décisions doivent être prises pour que la situation actuelle soit débloquée dans les cinq prochaines années.»
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