Les trois glorieuses de l'Académie nationale de médecine : vendredi 19 septembre, la cinquième journée d'architecture hospitalière ; dimanche 21, la Journée portes ouvertes avec, dans le cadre des Journées du patrimoine, les académiciens jouant les guides pour faire visiter notamment leur bibliothèque et leur hémicycle ; entre les deux, une première, la Journée du livre.
Le propos, tel que le formule l'un des principaux instigateurs de l'opération, le Pr Jacques-Louis Binet, secrétaire perpétuel de l'académie, est triple : « Nous voulons réunir auteurs, éditeurs, lecteurs et curieux dans un lieu prestigieux dédié au livre médical, avec sa bibliothèque connue des chercheurs du monde entier ; informer le public de l'actualité du livre médical à travers une présentation raisonnée des ouvrages de l'année en présence ; organiser, enfin, à travers une journée de rencontres et de débats autour des livres et de leurs auteurs une mise en scène critique vivante et interactive de l'actualité médicale. »
L'homme qui ressent et l'homme qui pense
Parmi les auteurs retenus, « nous rencontrons, note le Pr Louis Hollender, de grands scientifiques, des maîtres à penser, des gynécologues-accoucheurs et aussi des conteurs qui ont su nous faire partager leur poésie. Les uns et les autres, estime le président de l'académie, nous apprennent que l'homme qui ressent, qui éprouve, peut surpasser l'homme qui pense. Qu'il s'agisse de brosser de grands tableaux cliniques, de formuler des réflexions philosophiques sur la genèse du cerveau, de parler de l'Humanité telle qu'elle est, voire de s'étendre sur la vanité du monde, ou de lancer un cri d'alarme quant à l'avenir de la médecine française, tout est dit d'une plume sereine, avec une vision globale nette et fluide, empreinte de conscience, d'objectivité et de cur ».
Cette actualité médicale est plus abondante que jamais, passant les cénacles hospitaliers et les facultés, provoquant l'attention du public, soulevant à l'occasion les passions. La santé concentre aujourd'hui des enjeux scientifiques, socio-économiques, politiques, philosophiques, éthiques et moraux. Et les ouvrages qui abordent tous ces sujets sont volontiers abonnés aux grands tirages des best-sellers.
Dans ce contexte, l'Académie de médecine prend l'initiative d'un rendez-vous avec le grand public qui tombe à point nommé.
Quatre sessions y seront proposées : « Le cerveau », avec des interventions de Jean-Didier Vincent, Yves Coppens et Jacques Taddei ; « Médecine d'aujourd'hui et de demain », avec Georges David, Bernard Glorion, Bernard Hrni, Bernard Debré, Philippe Even, Didier Sicard, Solange Troisier ; « Médecine et société », avec Bertrand Poirot-Delpech, Claude Sureau, Yves Pouliquen, Gérard Dubois, Pierre Joly ; enfin, « Médecine et Roman », qui donnera la parole à François Nourrissier, Laure Adler, Eric-Emmanuel Schmitt et Pierre Péju, avec des extraits de leurs livres qui seront lus par Alexandra Stewart.
Simultanément à ces sessions qui se dérouleront depuis l'hémicycle, le public pourra arpenter toute la journée la salle des pas perdus et découvrir au pied des portraits des grands hommes de la compagnie les auteurs venus signer leurs livres. Et nouer le dialogue avec eux.
Le prix Jean Bernard
Point d'orgue de la manifestation, en fin de journée, la remise du prix qui récompensera désormais chaque année l'uvre d'un écrivain s'inspirant d'une maladie ou d'une étude sur la maladie d'un grand créateur. Il porte le nom emblématique du père de l'hématologie française, écrivain et essayiste ô combien prolixe, Jean Bernard, qui sera présent. Le prix sera attribué par un jury qui associe l'Académie de médecine à l'Académie française (Jean Bernard a le double fauteuil), les représentants de la famille et des élèves de Jean Bernard, les jurys des prix du MEDEC, le Groupement des écrivains-médecins et « le Quotidien du médecin », en la personne de son P-DG, le Dr Gérard Kouchner.
Indépendance
Le message des promoteurs de la journée du livre est clair : le temps d'une Académie de médecine confinée et compassée, sorte de club très privé pour sommités qui achèvent sous ses lambris leur parcours de grands patrons hospitalo-universitaires est révolu. « Il est vrai, convient Jacques-Louis Binet, que nous ne pourrons jamais renouer avec la grande époque des débuts de l'académie, au XIXe siècle. Tous les débats médicaux d'alors ont eu lieu dans notre enceinte. Depuis, la balkanisation médicale à l'anglo-saxonne est passée par là, les société savantes spécialisées nous ont ravi en quelque sorte la vedette. Et la création d'institutions comme le Comité national consultatif d'éthique aura été, toute révérence gardée, comme le coup de pied à l'âne. »
Mais, face à la prolifération des agences sanitaires, aux prises de parole tonitruantes des experts en tout genre, la rue Bonaparte garde deux atouts maîtres : sa pluridisciplinarité et son indépendance. « Elus par leurs pairs, explique le perpétuel, les académiciens ne sont justiciables d'aucune tutelle. Ce principe académique est une notion que l'on oublie trop souvent, mais qui explique sans doute pourquoi les académies ont leur place dans les sociétés les plus modernes. L'Académie nationale de médecine, qui ne fait pas partie de l'Institut, est placée sous la protection du président de la République et sous la tutelle du ministère de l'Education nationale pour ses frais de fonctionnement administratif. Les dons et les legs qu'elle reçoit servent exclusivement à décerner chaque année des bourses et des prix destinés à aider la recherche médicale. »
Restait, en ces temps réputés communicants, à le faire savoir. La rentrée de l'académie n'est pas que littéraire.
Le catalogue-trésor de la bibliothèque
Riche de 400 000 volumes dont 6 000 périodiques, la bibliothèque de l'Académie a été créée en 1820 mais elle recèle des volumes très anciens, comme des incunables du XVe siècle.
Les fonds constitués au XIXe siècle par des dons et des achats sont remarquables, souligne Laurence Camous, qui dirige la bibliothèque de la rue Bonaparte. Comme le fonds Daremberg, collection constituée par le premier bibliothécaire de l'Académie, en quelque sorte la bibliothèque idéale de l'historien de la médecine du XIXe. On y trouve 113 incunables, recueils généraux de textes de l'antiquité, anatomie, chirurgie, textes médicaux du Moyen Age, auteurs arabes, parmi lesquels figurent les deux plus anciens incunables médicaux, imprimés à Venise en 1471 par Nicolas Jenson : « l'Antidotarium », de Nicolas de Salerne, le « Liber servitoris », d'Albucasis, et le premier traité médical illustré de figures anatomiques, le « Fasciculus medicinae », de Jean Kethman.
Les 9 000 volumes des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles (dont 5 000 du fonds Daremberg) offrent un panorama complet de l'édition médicale mais également de l'histoire du livre. Ils permettent de retracer les grandes étapes de l'histoire de la médecine et l'on peut y suivre les avancées des différentes branches de la médecine et de la chirurgie, les découvertes de quelques génies et les progrès de l'édition et des procédés d'illustration.
Pour le XVIe siècle, de nombreuses éditions originales sont autant de pièces uniques (la première édition en grec des uvres complètes de Galien, la première édition, en grec également, d'Hippocrate, par Alde Manuce, la première et la deuxième éditions du célèbre « Traité d'anatomie », de Vésale, toute l'uvre d'Ambroise Paré).
Le XVIIe n'est pas moins bien servi avec de nombreux traités d'anatomie et la très rare édition originale de l' Exercitatio anatomica de motu cordis dans laquelle Harvey fait la démonstration de la circulation sanguine.
Pour le XVIIIe, Laurence Camous signale la quasi-totalité des éditions de « l'Art de l'accouchement », le « Traité d'anatomie » de Vicq d'Azyr et « l'Art du coutelier » de Jean-Jacques Perret, avec un catalogue complet des instruments opératoires de l'époque.
Les fonds du XIXe sont bien sûr très complets : uvres des maîtres de la méthode anatomo-clinique (Laennec et Trousseau), de la chirurgie (Larrey, Dupuytren et Velpeau) et de la médecine expérimentale (Claude Bernard).
La bibliothèque continue aujourd'hui à assurer la veille documentaire de la médecine, de la santé publique et de l'éthique.
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