Nos ancêtres les eucaryotes

L’académicien et l’éponge

Publié le 01/12/2014
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Idées

« Condamné à mourir bientôt », dit-il, mais jouisseur au cœur réparé, Yves Pouliquen nous « reçoit » sur une plage bretonne, offrant son corps aux caresses du vent, à l’eau et à la lumière. Précision astucieuse, qui lui permet de rappeler que c’est grâce à ces deux derniers éléments que naquit la vie, il y a environ trois millions d’années.

Notons justement le titre d’où vont découler ses analyses. Non pas le banal et nombriliste « Qui suis-je ? », mais « Que suis-je ? », qui n’induit pas une existence comme chose parmi les choses. Une façon, dit-il, « d’ouvrir le grand livre de nos origines et de les fondre en la grande histoire de l’Univers ».

Ceci lui inspire plusieurs remarques fort fécondes. D’abord nous ne différons guère d’autres animaux situés sur la chaîne de l’Évolution. Pas étonnant qu’Yves Pouliquen prenne d’abord l’exemple de l’œil de la mouche du vinaigre, construit par le même gène architecte que le sien. Par la suite, il constate que cette évolution n’a pu se faire qu’au prix de la mort de nos semblables, à commencer par les êtres vivants des jungles, des savanes et des mers. En y ajoutant notre survie, qui se fait au prix de la vie des animaux que nous tuons.

Enfin, prenant le recul de la réflexion philosophique, l’auteur remarque que notre vie se situe entre deux néants. Il n’y a que très peu de place dans le cursus scolaire pour replacer l’homme dans l’histoire de l’Univers et de la Vie. C’est pourtant une approche essentielle, ignorée des lycées et collèges. En revanche, on préfère éclairer l’hypothèse d’un Dieu créateur qui nous accueillera chaleureusement après notre mort.

La première cellule s’est structurée chez les eucaryotes, qui deviendront les premiers protozoaires contenant de l’ADN, accroîtront leurs gènes et devront s’adapter au milieu. Ces gènes se grouperont en chromosomes, mais il faudra encore quelques milliers d’années pour arriver à Mozart et Patrick Sébastien.

Yves Pouliquen quitte la plage lentement, non sans une pensée pour un être génétiquement très proche de nous, l’éponge de mer.

Yves Pouliquen, « Que sais-je ? Que suis-je ? », Odile Jacob, 160 p., 19,90 euros.

André Masse-Stamberger

Source : Le Quotidien du Médecin: 9370