L'OBJECTIF des dépenses d'honoraires des professionnels de santé libéraux pour 2001 n'a toujours pas été fixé et n'a pas été inscrit à l'ordre du jour de la prochaine réunion des administrateurs de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) qui a lieu demain. Autant dire que malgré le refus d'Elisabeth Guigou de suspendre le dispositif de maîtrise des dépenses de santé, celui-ci est pour l'instant gelé dans les faits. Sans objectif fixé, il n'y a en effet pas de sanctions possibles contre les professionnels de santé en cas de dépassement du-dit objectif.
Il faut dire que la détermination de cet objectif constitue un exercice pour le gouvernement, comme pour la Caisse nationale d'assurance-maladie, dans une période où l'ambiance est à la reprise du dialogue avec les organisations représentants les professions de santé. Compte tenu du rythme actuel d'augmentation des dépenses (+ 6 %) et de l'enveloppe votée par le Parlement dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, l'objectif fixé aux professionnels sera de toute façon difficile à respecter, sauf à prendre de nouvelles mesures d'économies.
La CNAM contre un objectif trop draconien?
Le gouvernement a donc préféré remettre au lendemain des élections municipales la fixation de cet objectif. « Nous discutons actuellement avec la CNAM pour voir à quel niveau on doit fixer l'objectif. Le travail avance. On espère aboutir avant la fin du mois », explique-t-on au ministère de l'Emploi et de la Solidarité tout en précisant que l'objectif doit essayer de recueillir l'approbation du conseil d'administration de la CNAM.
C'est sans doute là la seconde difficulté rencontrée par le gouvernement. Les responsables de la Caisse nationale d'assurance-maladie, à qui est déléguée la gestion de ces dépenses, ne sont sans doute pas prêts à accepter un objectif serré qui les mettrait de nouveau en difficulté avec les syndicats qui ont signé des conventions avec l'assurance-maladie. Les relations conventionnelles déjà mises à mal par une série de baisses d'honoraires l'année dernière pourraient s'en trouver encore dégradées. Et certaines organisations, comme la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR), ont déjà fait savoir qu'elles résilieraient la convention qui les lie à l'assurance-maladie si le premier rapport d'équilibre que doit présenter la CNAM ne prévoyait pas un retour à leurs anciens tarifs.
Pour l'instant, le statu quo arrange donc tout le monde et notamment les syndicats de professionnels de santé qui, dans le cadre de la concertation engagée par Elisabeth Guigou, ont multiplié les groupes de réflexions y compris avec les syndicats de salariés qui gèrent l'assurance-maladie.<\!p> « On est dans une période transitoire entre l'ancien système et j'espère, autre chose. Évidemment, si on avait des négociations difficiles à conduire avec la CNAM dans le cadre de l'objectif, on n'aurait sans doute pas la même qualité de dialogue. La non-fixation de l'objectif participe à un meilleur climat de discussions », estime Jean Benoît, président du Syndicat des biologistes. « Je suis heureux qu'on soit dans une phase de reprise du dialogue social et que, compte tenu des positionnements électoraux des uns et des autres, on repose le problème de la santé et de la Sécurité sociale. Il y a aujourd'hui de nombreuses zones de dialogue sous l'égide du gouvernement, du CNPS ou encore dans le cadre de la refondation sociale. Ces réflexions doivent nous conduire à des synergies et non à des affrontements », ajoute le Dr Pierre Costes, président de MG-France.
Certes, le clivage semble aujourd'hui persister entre, d'une part, les syndicats de professionnels de santé signataires de conventions qui discutent actuellement avec la CFDT, l'UNSA et la Mutualité française (voir encadré) et, d'autre part, ceux qui depuis cinq ans refusent la logique du plan Juppé et tentent de parvenir à un accord sur un projet de réforme avec la CGT, FO, La CFTC et la CFE CGC. Mais la réconciliation pourrait venir du Centre national des professions de santé (CNPS) au sein duquel ils sont tous regroupés.
Un texte commun du CNPS ?
Dans la perspective de ses assises qui se tiendront les 30 et 31 mars, son président, le Dr Jacques Reignault, a annoncé que ses composantes tenteront de se mettre d'accord sur des propositions communes. « Les clivages qui existent compliquent la rédaction d'un texte commun mais on va tenter de les surmonter. Encore une fois, sur le fond des problèmes, il y a peu de différences entre nous. Ensuite, sur la stratégie a adopter, savoir comment on discute et avec qui, c'est plus compliqué », reconnaît le Dr Reignault qui veut montrer que le CNPS n'est pas seulement une structure qui organise la contestation.
A partir de la réunion d'un groupe de travail, le président du CNPS a rédigé un texte qui sera une nouvelle fois soumis à toutes les organisations ainsi qu'aux centres départementaux de professionnels de santé. Il sera ensuite soumis à l'assemblée générale de l'organisation qui se tiendra le 31 mars. « Je ne dis pas que ce sera facile, mais je crois que ce n'est pas impossible », affirme avec optimisme le président de la FFMKR, François Maignien.
Le groupe des Douze a défini sa méthode de travail
Le groupe de réflexion sur la médecine de ville, dit « groupe des Douze » qui réunit la CFDT, l'UNSA, la Mutualité française et neuf organisations de professionnels de santé dont MG-France et l'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français (UCCSF) poursuit son travail. Ses membres se sont retrouvés la semaine dernière pour affiner leur thèmes de travail et se rencontreront une nouvelle fois le 4 avril pour mettre en place des ateliers thématiques.
Sur le premier thème relatif à l'identification des attentes, les participants essaieront de déterminer à la fois celle des assurés sociaux et des professionnels. Ils travailleront donc sur la façon dont doit s'orienter le patient dans le système de soins, sur quels critères (labels ou certifications), avec quel mode de remboursement et de prise en charge et avec quel suivi. Ils essaieront également de redéfinir le statut des professionnels sur la base de la reconnaissance et de la valorisation des missions qui lui sont assignées par la collectivité. Le second thème concerne les responsabilités des acteurs de santé, qu'elles soient professionnelles (référentiels de bonnes pratiques, formation, certification) ou économique. Enfin, ils examineront les problèmes de la démographie des professionnels et la façon d'obtenir une meilleure répartition sur le territoire, la coordination des soins et l'évolution dans ce cadre des rémunérations ainsi que les conditions d'un égal accès aux soins des patients.
« Il s'agit davantage de faire avancer la réflexion commune sur ces sujets que d'élaborer des propositions concrètes avec des arbitrages », explique le Dr Pierre Costes, président de MG-France. « On n'a pas la prétention de régler tous les problèmes mais de poser un certains nombre de bases et d'apporter des solutions », confirme Jean Benoît (Syndicat des biologistes) pour qui le groupe « travaille bien ».
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