De notre correspondante
à New York
BON NOMBRE des avancées pour cartographier le cerveau - à savoir localiser avec précision l'activité cérébrale responsable de telle expérience ou de telle réponse comportementale- ont été faites en observant chez des patients le déficit ou le changement d'une fonction cérébrale après une lésion focale du cerveau (par blessure ou accident vasculaire).
Dans le cas présent, une femme âgée de 73 ans, hypertendue, mais, en outre, jusqu'ici en bonne santé, se présente aux urgences en raison d'une baisse brutale de la vision et d'une faiblesse de l'hémicorps gauche. L'IRM visualise un infarctus ischémique aigu des deux lobes occipitaux profonds (y compris la cinquième circonvolution occipitale à droite). Une fibrillation auriculaire à l'ECG fait présumer une cause cardioembolique, et un traitement est instauré.
Deux jours après l'accident vasculaire cérébral, les problèmes visuels se résolvent. Mais cette récupération laisse la place à un nouveau symptôme : la patiente ne rêve plus.
Syndrome de Charcot-Willebrand.
Une telle perte du rêve faisant suite à une lésion focale du cerveau est connue sous le nom de syndrome de Charcot-Willebrand (SCW), en raison de sa première description par les éminents neurologues Jean-Martin Charcot et Hermann Willebrand dans les années 1880.
Ce syndrome est extrêmement rare, surtout lorsqu'il est isolé et ne s'accompagne d'aucun autre déficit neuropsychologique (en particulier visuel) comme chez la patiente.
Les neurologues ont réalisé que l'observation de cette patiente pouvait procurer de précieuses réponses sur la localisation de la centrale des rêves.
Ce cas de SCW est le premier complètement documenté sur les plans clinique, neuropsychologique, polysomnographique, et sur le plan de la neuro-imagerie.
Tandis que la patiente se souvient d'avoir rêvé entre trois ou quatre fois par semaine avant l'accident vasculaire, elle signale maintenant une absence de rêves, même lorsque les investigateurs la réveillent durant le sommeil paradoxal. Au bout de trois mois seulement, elle se remet à rêver, mais avec une fréquence et une intensité moindres qu'auparavant.
Préservation du sommeil avec mouvements oculaires rapides.
L'examen neuropsychologique, deux semaines après l'AVC, ne relevait aucun déficit, notamment les déficits visuels souvent associés au SCW. Elle pouvait notamment imaginer sans problèmes les lieux et les alentours qu'elle connaissait bien, reconnaître les visages familiers et s'orienter correctement sur le plan topographique.
Les neurologues ont enregistré ses ondes cérébrales durant le sommeil, pendant six semaines ; cette étude polysomnographique a démontré une architecture normale du sommeil, avec préservation de la phase de mouvements oculaires rapides du sommeil. Cela est important, puisque cette phase du sommeil est associée au rêve, même si les recherches ont indiqué que les générateurs de l'un et de l'autre sont distincts.
« Ces observations confirment que le rêve et le sommeil avec mouvements oculaires rapides, tout en étant liés, pourraient dépendre de générateurs indépendants », notent les Drs Bischof et Bassetti (université de Berne).
Enfin, suggèrent les chercheurs, « l'endommagement du lobe occipital bilatéral pourrait représenter l'étendue de la lésion nécessaire pour produire la perte du rêve »; d'autres études doivent le confirmer, soulignent-ils toutefois.
Si la localisation du générateur des rêves se précise, il reste à déterminer comment les rêves sont générés et quelle est leur fonction.
« Annals of Neurology », 10 septembre 2004, www.interscience.wiley.com,
DOI : 10.1002/ana.20246.
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