Le temps de la médeine
« L'effet "veuve sans permis» s'estompe » : cette expression relevée dans les propos de Marie-Antoinette Dekkers, directrice des études de la Prévention routière, résume de façon imagée la situation des seniors vis-à-vis de la conduite automobile. Elle explique que, actuellement, arrivent dans cette tranche d'âge des gens qui, habitués à vivre avec un véhicule, ont conduit toute leur vie.
L'habitude n'est pas tout ; il y a aussi l'évolution de la société, poursuit-elle. Elle rend nombre de seniors dépendants d'un moyen de transport individuel.
Les localisations résidentielles ont changé au cours des dernières décennies. Pour avoir davantage d'espace, de la verdure et de la tranquillité, les Français se sont éloignés des villes. Faire ses courses, aller chez son médecin ou son coiffeur ne relève plus d'un déplacement à pied.
Quinze mille communes n'ont plus de commerce
« Environ 60 % des produits alimentaires sont achetés en grandes surfaces, poursuit-elle, et l'on considère qu'en France 15 000 communes n'ont plus de commerce. » Ce choix résidentiel, fait le plus souvent avant l'âge de la retraite, devient plus difficile à assumer après 75 ans. Pour certains, conduire se transforme en une obligation vitale. Une récente étude réalisée à la demande de la Prévention routière et de la Fédération française des compagnies d'assurances arrive à cette conclusion : « L'arrêt de la conduite est un problème crucial en milieu rural, où il implique souvent une dépendance totale pour les besoins du quotidien, et peut mener à la maison de retraite... La voiture étant le dernier recours d'insertion, de connexion et d'autonomie. »
Ces notions de dépendance sont aussi le corollaire de l'évolution des structures familiales. Les nouveaux seniors ont peu d'enfants et a fortiori de petits-enfants. Les familles connaissent un éclatement géographique et une dispersion des membres. Enfin, même si « l'effet veuve sans permis » s'amenuise, la solitude de nombre de femmes, par veuvage ou divorce, est une réalité statistique. Autant d'éléments qui rendent la conduite indispensable à l'autonomie.
A l'instar d'une drogue, l'automobile a engendré aussi la dépendance. Elle a permis de refaçonner l'urbanisme, la société. Les grands centres commerciaux en périphérie des villes, responsables des fermetures de commerces de proximité, n'auraient pas vu le jour sans les facilités de déplacement (et de chargement) apportées par l'automobile. « La voiture a amplifié les choix », résume Marie-Antoinette Dekkers ; elle a favorisé les résidences éloignées des centres urbains. Et puis, les revenus des seniors leur permettent, sans difficulté majeure, d'investir dans un véhicule. Ils représentent une forte majorité des acheteurs de voitures neuves. D'ailleurs, 65 % des retraités disposent d'une automobile, que 75 % d'entre eux considèrent comme essentielle ou importante dans leur vie quotidienne.
Si l'on s'en tient aux chiffres, en 2000, près de 20 % des conducteurs dépassaient 65 ans. Ils seront près de 33 % en 2030. Cette population de futurs octogénaires, en augmentation, devra probablement reconsidérer ses préférences résidentielles. Elle devra faire procéder à des changements, explique Mme Dekkers. Elle cite en exemple la difficulté des anciens à tourner à gauche, qui justifie des aménagements des carrefours, ou la généralisation de modèles à boîte automatique.
Les transports en commun ne sont pas adaptés
Bien sûr, des lieux sans voiture ou de systèmes de transport semblent une bonne solution. « Ce serait une fausse bonne idée, explique-t-elle. Les transports en commun ne sont pas adaptés aux personnes âgées. Elles redoutent l'autobus. Proposer la marche à pied comme alternative à l'automobile serait également inadapté. Les études montrent que les sujets âgés ont du mal à marcher, bien avant de ne plus pouvoir conduire. »
Malheureusement, les études montrent que, même si un sujet ne lâche pas le volant et persévère, afin de ne pas perdre la main, il existe un âge où « ça décroche ». Cette frontière n'est pas prévisible et varie d'un individu à l'autre.
Des accidents types
Tourner à gauche représente la cause la plus fréquente d'accident chez les seniors, parce qu'il faut une analyse rapide de la situation et une bonne prise de décision. S'y ajoutent des refus de priorité aux croisements, des chocs par l'arrière (freinage tardif). Les changements de file sont également à risque, ainsi que les changements de direction non signalés et les entrées sur autoroute.
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