APRÈS LA PIQÛRE par l’anophèle, l’infection d’un mammifère hôte par le parasite commence quand le Plasmodium est délivré par la circulation sanguine au stade sporozoïte dans le foie et envahit les hépatocytes. Le sporozoïte intracellulaire se différencie pour produire une nouvelle forme invasive et mobile, nommée le mérozoïte, qui va envahir les érythrocytes. A la suite de quoi, les symptômes apparaissent.
Jusqu’à présent, on connaissait mal la phase préérythrocytaire du paludisme, où les parasites sont peu nombreux et extrêmement mobiles. On ne savait pas comment les mérozoïtes parviennent à sortir du foie pour gagner la circulation sanguine en échappant au système immunitaire des mammifères et notamment aux nombreux macrophages qui patrouillent dans le foie.
L’énigme est en train d’être élucidée grâce au travail, en collaboration, de l’équipe de Robert Ménard (chef de l’unité de biologie et génétique du paludisme de l’Institut Pasteur) et des chercheurs de l’institut de médecine tropicale Bernhard-Nocht à Hambourg.
Une nouvelle technique d’imagerie, la microscopie intravitale.
Les pasteuriens ont employé une technique d’imagerie in vivo novatrice, qu’ils ont élaborée au cours de ces dernières années, la « microscopie intravitale », microscopie dynamique qui permet d’enregistrer un film des Plasmodium rendus fluorescents dans le foie de l’animal d’étude (rongeur). On voit le déroulement de l’infection tel qu’il survient in vivo chez l’animal et en temps réel.
Les chercheurs ont découvert que les mérozoïtes utilisent une sorte de stratégie du « cheval de Troie » pour quitter le foie et gagner incognito la circulation sanguine.
Des mérosomes.
Les films en microscopie intravitale ont enregistré un processus qui se déroule sur plusieurs heures. Traités pour être vus en accéléré, ils montrent en quelques minutes que les cellules du foie infectées, qui contiennent chacune quelque 10 000 mérozoïtes, sont lysées sous l’effet de l’infection. Elles se mettent ensuite à bourgeonner pour former des structures que les chercheurs ont nommées « mérosomes ». Ce sont les mérosomes, sortes de poches bourrées de parasites, qui gagnent les vaisseaux sinusoïdes du foie, puis débouchent dans la circulation sanguine où les mérozoïtes sont libérés. Il faut noter que ces structures représentent le passage obligé du transfert du parasite.
«Les parasites semblent capablesà la fois de guider leur véhicule et de le masquer», indiquent les chercheurs.
«Puisqu’elle est issue de cellules mortes, la membrane des mérosomes devrait en effet lancer un signal de dégradation permettant aux macrophages-éboueurs d’engloutir et de détruire l’indésirable structure. Ce signal bien classique de toute cellule à dégrader n’est plus émis, grâce à des modifications biochimiques induites par le parasite.»
Non seulement l’infection palustre apporte un éclairage, mais la mise au jour de ce mécanisme offre de nouvelles cibles thérapeutiques «d’autant plus intéressantes qu’elles se situent avant le stade pathogène de l’action parasitaire».
En effet, le processus est médié par une classe d’enzymes parasitaires, les cystéine protéases, enzymes de dégradation de la membrane vacuolaire qui permettent le détachement de l’hépatocyte. Ce qui ouvre une avenue de recherche, qui consistera à tester ces protéines parasitaires en tant que cibles thérapeutiques pour voir si le passage vers le sang est bloqué.
« Science », Angelika Sturm et coll., 1er septembre 2006.
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