LE MEDECIN en reste abasourdi : quand, au printemps dernier, il s'est envolé pour le Maroc avec son fidèle chien, lequel a voyagé en soute, aucun fonctionnaire n'a cherché à vérifier le carnet de vaccination de l'animal ni procédé au moindre contrôle administratif ou sanitaire, que ce soit à l'embarquement ou au débarquement, à l'aller ou au retour. De là à en déduire que la police sanitaire dans nos aéroports est sujette à quelques dysfonctionnements, il n'y a qu'un pas.
Hervé Bourhy, directeur du Centre national de référence de la rage, ne dément pas cette fâcheuse impression : « Quiconque a atterri dès potron-minet à Roissy ou à Orly, en provenance d'Afrique ou d'Asie, a pu traverser d'immenses zones de contrôle aéroportuaires désertiques, en l'absence de tout douanier. »
Pourtant, « les réglementations aériennes et les accords Iata considèrent tout animal vivant comme une marchandise dangereuse, au même titre qu'un explosif, et les procédures de sécurité sont particulièrement rigoureuses », affirme Maryline Nau, l'inspecteur de la santé publique vétérinaire de Roissy.
En soute ou en cabine.
Située en zone réservée, sa station animalière compte 7 vétérinaires, autant de techniciens et un agent administratif, qui veillent sur la circulation tant des produits d'origine animale que des animaux vivants.
Pour ceux-ci, deux circuits coexistent : celui du voyage en soute, qui fonctionne comme pour un colis postal, avec une lettre de transport aérien et un contrôle systématique. Les animaux voyagent dans des containers spécifiques, appelés des varicanels, loués par les compagnies aériennes. Car il faut absolument éviter que l'animal ne s'échappe et risque de s'en prendre aux différents systèmes de câblage sensibles qui circulent sur les parois des soutes. Ces containers sont les derniers bagages embarqués, de manière à pouvoir faire l'objet, les premiers, d'un déchargement à l'arrivée. Ils sont disposés dans les parties ventilées des soutes, les plus proches de la partie cabine de l'appareil.
L'autre régime de transport aérien des chiens, c'est celui du bagage accompagné, réservé aux animaux de moins de 5 kilos. Leur présence en cabine reste soumise à l'accord du commandant de bord. La réglementation impose qu'ils soient enfermés à l'intérieur d'un sac pendant toute la durée du vol. Ce qui ne va pas sans occasionner régulièrement des tensions entre les hôtesses et les propriétaires, quand ces derniers veulent donner à boire et réconforter leur animal stressé par les conditions de vol. Parfois, le Yorkshire adoré devra même faire l'objet d'une confiscation autoritaire, avec aboiements et hauts cris des intéressés.
« Cette présence d'animaux en cabine nécessite de loin en loin notre intervention à l'atterrissage, raconte le Dr Michel Clerel, médecin-chef d'Aéroports-de-Paris ; il y déjà eu des singes qui font la java dans les avions, et nous avons eu aussi à connaître des crabes qui s'échappent et qui pincent des passagers, sans oublier les petits chiens très énervés qui occasionnent des morsures par arrachement à leurs maîtres ou à d'autres voyageurs. » Tous ces incidents n'ont jamais revêtu, semble-t-il, de caractère de réelle gravité.
Aucun animal clandestin à bord.
Et si le contrôle en cabine n'est pas systématique, reconnaît Mme Nau, « il demeure que, même si tous ne sont pas en règle ou contrôlés, aucun animal clandestin ne saurait embarquer ».
Une tentative a quand même été déjouée dernièrement, avec un propriétaire qui avait caché un chien de 12 ans dans son blouson. L'animal a simplement fait l'objet d'un refoulement, compte tenu de son âge, qui excluait le risque rabique.
Encore au chapitre des épisodes incongrus, il y a l'histoire de ce chien qui passait le portique de détection radio, comme c'est la règle. Le vétérinaire a été appelé à la rescousse par les agents de la police de l'air car, à dix reprises, l'animal, inexplicablement, déclenchait le bip d'alarme. Mais il ne fut pas nécessaire de le faire exploser sur le site prévu en pareil cas pour les bagages suspects : au onzième passage, le chien a franchi le portique sans le faire biper.
« Evidemment, commente Mme Nau, on pourrait imaginer que des terroristes fassent ingérer 20 g de plastic à un animal qui serait introduit dans la soute ; de même, pourquoi les trafiquants ne tenteraient-ils pas de faire passer des sachets de cocaïne dans l'estomac d'un chien ? Mais de tels scénarios n'ont jamais été détectés. Seul figure dans les annales, le cas de ce cheval sur lequel ses soigneurs avaient dissimulé des cartouches de cigarettes. »
Depuis janvier dernier, les vétérinaires de Roissy ont effectué 886 visites sur des animaux, à la suite d'irrégularités constatées par les douanes sur leurs documents d'accompagnement. Aucune mesure d'euthanasie n'a été nécessaire. L'an dernier, en revanche, dix chiots en provenance d'Irak ont fait l'objet de mesures d'euthanasie après une mise sous surveillance de quinze jours (le délai de sécurité prescrit par la réglementation française), mais ils se sont révélés à l'analyse post mortem indemnes de la rage. En quatre ans, Mme Nau n'a pas eu à connaître un seul cas d'animal positif. Et les autorités sanitaires n'ont pas signalé d'animal malade qui ait été introduit par voie aérienne. De quoi faire dire à Maryline Nau que « le système fonctionne ». Et que le risques d'autres zoonoses la préoccupent bien davantage, elle et ses collègues, à commencer par la grippe aviaire.
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