L’article sur le conflit des générations (Le Généraliste n°2666, p.10) était intéressant pour ouvrir différents débats : l’absence de vocation, la prise en charge des patients non plus à partir d’une expérience personnelle mais en se fondant sur des preuves documentées par l’Evidence Based Medecine (EBM), le désir des patients considérés comme usagers (euphémisme) de santé ou consommateurs de soins médicaux et rejetant le paternalisme médical.
C’était une forme de compassion, dont la médecine en tant que société de service n’a cure. Les malades veulent être rassurés par empathie, ce que la technicité ou la mise sous machine ne peuvent faire. Ils veulent qu’on les soigne de manière globale (corps et âme) et non pour une maladie particulière.
La référence systématique àl’EBM amène l’investigation médicale à n’être qu’une procédure. Quand on l’a respectée point par point, on a tout bien fait et on passe à autre chose. Souvent le malade se dit que tout reste à faire. Il est libre car informé de son malheur, mais son présent le désoriente, son avenir le préoccupe... Il est soigné et il y aura toujours quelque chose à faire, des soins à (dé)livrer : faire pour faire ? La multiplicité des intervenants ne répond pas à la quête éperdue de la mère consolatrice.
Internet qui leur offrirait un diagnostic et un traitement par la poste pourrait être un pis-aller acceptable car étant les auteurs de la démarche, ils pourraient avoir, au début, confiance et espoir. Ensuite, ils chercheraient un praticien à qui en parler pour ne pas rester seuls face à la maladie. Le verbe a une grande vertu thérapeutique. Encore faut-il savoir et vouloir l’utiliser : un art peu onéreux au secours de la science ?
Les médecins n’accordent pas véritablement d’attentio au ratio qualité-efficacité/coût , par paresse intellectuelle, sous prétexte que la parité n’a pas de prix. C’est une des raisons de refuser des patients en CMU qui, en un sens, limite l’accès aux soins. Quand le tarif des mutuelles sera devenu exorbitant, qu’ils ne pourront plus se décharger sur une multitude d’investigations pour nourrir leurs démarches diagnostiques, l’expérience retrouvera son crédit. La prise de risques contrôlés vivifiera la pratique médicale.
La vocation d’être au service du malade ou celle d’entreprendre dans un milieu social inconnu, servir et découvrir, se perd. Une génération de médecins est plus soucieuse de sa qualité de vie bourgeoise que de se réaliser dans son travail. Le respect des procédures, la technicité ou la pharmacopée surabondamment utilisée, l’installation en groupes pour fuir la solitude face à ses responsabilités, l’accès à Internet, etc., sont toutes choses faites pour materner en premier lieu le médecin à l’ombre tutorielle des grands centres hospitaliers. La médecine n’est plus vécue comme une aventure dont la gratification était d’amener le malade à bon port. Ce qui explique que certains rêvent d’aller utiliser leur talent dans les ONG. Le salariat les séduit, le numerus clausus trop bas par rapport aux besoins de la France les rassure.
La médecine ne peut pas être un sacerdoce, c’est dommage, mais la technocratie et la bureaucratie n’offrent pas une alternative désirable.
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