JEAN-CLAUDE LABRUNE, P-DG et fondateur du groupe Cegedim, n'est pas mécontent de son « coup ». «J'avais envie, dit-il , de montrer aux inspecteurs de l'IGAS qu'il faut user de précaution quand on croise des chiffres.» Début novembre, le rapport de l'Inspection des affaires sociales sur l'information des médecins généralistes sur le médicament, stigmatisant les dépenses de promotion pharmaceutique, avait, on s'en souvient, fait bondir de nombreux médecins et industriels du médicament (voir « le Quotidien » du 7 et du 8 novembre).
Tout en reconnaissant que «les données propres à l'industrie pharmaceutique ne sont pas accessibles», les auteurs du rapport de l'IGAS s'étaient appuyés sur différents travaux anciens ou anglo-saxons, ainsi que sur une étude réalisée d'ailleurs par Cegedim à leur demande, concernant les antidépresseurs (période 2003-2006). Une étude qui confirmait seulement un lien entre intensité de la visite et part de marché. Pour le reste, l'IGAS affirmait plus qu'elle ne prouvait que, le plus souvent, «la promotion favorise une expansion globale de la prescription».
Cegedima donc « souhaité vérifier la légitimité de cette opinion selon laquelle la visite médicale ferait prescrire au médecin généraliste plus que nécessaire».
Six axes thérapeutiques étudiés.
Pour ce faire, le groupe a puisé dans ses bases de données – sa spécialité – qui renferment toutes les informations anonymisées nécessaires. Les prescriptions d'une cohorte de 1 000 médecins généralistes de son panel Thalès** ont été analysées sur trois mois (de mars à mai 2007). L'échantillon a été divisé en cinq segments en fonction des habitudes des praticiens vis-à-vis de la visite médicale, allant de ceux qui reçoivent peu de visiteurs à ceux qui en reçoivent beaucoup (1 à 10 visites par semaine). Dans un contexte où la visite médicale diminue (– 6,8 % en 2006, – 3,4 % en 2007).
Six domaines thérapeutiques ont été étudiés (cardiologie, maladies métaboliques, asthme, neuropsychiatrie, gastrologie, antibiothérapie).
Il ressort de l'étude que, si le médecin adepte des visites médicales utilise un arsenal thérapeutique plus étendu (20 % de plus, antibiotiques exceptés) et plus moderne que son confrère peu en contact avec l'industrie, il ne prescrit pas plus de médicaments. Quelle que soit l'aire thérapeutique, le nombre moyen de lignes prescrites est équivalent pour tous les segments de médecins généralistes. Conclusion de Cegedim : « Recevoir de nombreux laboratoires ne signifie pas prescrire plus.»
Enfin, la prescription de spécialités plus innovantes (principalement en cardiologie et dans les maladies métaboliques) par les médecins qui reçoivent le plus de visiteurs influe certes, et l'on pouvait s'y attendre, sur le montant de l'ordonnance, mais avec un impact limité de 1 à 4 euros. Cegedim, qui ne s'interdit pas d'intervenir désormais plus souvent publiquement dans les débats sur les comptes de la santé, va lancer une étude complémentaire sur les besoins réels des patients des deux catégories de médecins : ceux qui reçoivent peu la visite médicale et les autres.
* Un chiffre d'affaires de 753 millions d'euros en hausse de 39 % en raison de l'acquisition de l'américain Dendrite en mai 2007. Le résultat net consolidé de 44 millions d'euros est en hausse de 13 %.
** 7 500 spécialistes et généralistes informatisés qui aliment la base avec une partie du contenu anonymisé de leurs dossiers médicaux.
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