LE CONSEIL de l'Europe lutte depuis plus de vingt ans contre les violences dans le sport, qu'elles soient « physiques et concrètes », à l'image du hooliganisme, ou plus subtiles et « scientifiques », comme le dopage. Il publie un ouvrage, rédigé par deux sociologues et un historien, qui dresse un panorama sans complaisance de la violence sportive en Europe, tout en décrivant les efforts des autorités nationales ou internationales pour y faire face.
« Sports et Violences en Europe » étudie d'abord tous les aspects du hooliganisme, qui parvient à une apogée douteuse dans les stades de football des années 1980. Parfois nourri de revendications idéologiques, il s'inscrit dans les bouleversements économiques des dernières décennies du XXe siècle, et trouve, à travers sa forte médiatisation, une caisse de résonance qui favorise son expansion plutôt que son reflux. Les débordements tragiques survenus en 1985 au stade du Heysel conduisirent le Conseil de l'Europe à rédiger la première convention européenne sur la violence et les excès de spectateurs lors des manifestations sportives, texte qui constitue aujourd'hui l'un des piliers de la lutte contre ces phénomènes en Europe.
Violence économique et mentale.
Les relations parfois troubles entre le sport et le monde des affaires et de la politique, mais aussi l'idéalisation du sport et la glorification de la performance en tant que modèle universel à suivre produisent d'autres formes de violence, économique ou mentale. Les auteurs s'arrêtent sur les violences subies ou acceptées par les sportifs de haut niveau, et qui semblent être devenues le prix normal à payer pour accéder aux plus hautes marches de l'Olympe. Entraînements intensifs menant à l'épuisement physique et psychique, « sélection » de jeunes enfants pour en faire des champions sans que leur avis ne soit pris en compte, ou « achat et vente » de très jeunes joueurs, constituent quelques facettes, trop souvent méconnues, de cette violence sportive au quotidien. Remettre en question le postulat « sport = santé », malgré la mortalité surprenante d'un nombre croissant de jeunes athlètes, relève encore du blasphème et l'un des mérites de ce livre est justement de le prononcer.
Le Conseil de l'Europe a élaboré, dès 1989, la première convention internationale de lutte contre le dopage, qui fait désormais autorité en Europe et dans une grande partie du monde. Mais l'ouvrage rappelle que le dopage médicamenteux n'est pas la seule addiction qui guette les sportifs : l'idée qu'il n'y a pas de vie possible en dehors du sport et le culte du corps idéal sont devenus des dépendances mentales dont on parle trop peu et qui restent difficiles à combattre.
Ce livre a choisi de déranger en démontrant l'omniprésence de la violence dans le sport, mais il n'entend pas pour autant se résigner au pessimisme : d'autres voies sont possibles, par une gestion plus harmonieuse des politiques sportives. Le sport est un merveilleux outil de développement individuel et de cohésion entre les groupes sociaux et les peuples ; un peu plus de retenue de la part des sportifs, des organisateurs et du public permettrait de faire revivre ces idéaux, concluent les auteurs.
« Sports et Violences en Europe », de D. Bodin, L. Robène et S. Héas, Editions du Conseil de l'Europe, 202 pages.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature