La santé en librairie
C'est juste une petite boule, pas grand-chose pour quelqu'un qui en a vu d'autres. Petite fille marquée par la mort d'un grand frère, adolescente abusée sexuellement, adulte emprisonnée dans l'allergie et dans les douleurs de la fibromyalgie, Myriam Imena, en toute tranquillité, va faire enlever la boule, bénigne selon les résultats de la ponction, mais qui a pour inconvénient de faire mal et de comprimer sa jugulaire. Las ! Les ponctions ne disent pas tout, et il lui faudra subir les angoisses de l'annonce d'un cancer - tout petit, certes -, les désagréments d'une curiethérapie, les effets dévastateurs d'une hypothyroïdie de six semaines, avant de reprendre progressivement sa vie de femme active et efficace.
L'histoire pourrait presque paraître banale, ainsi brièvement esquissée.
Il n'y a pourtant pas de banalité dans le livre de Myriam Imena, d'abord parce qu'aucune histoire de vie n'est semblable à une autre, même si elles sont centrées sur une même maladie ou une même souffrance ; ensuite parce que son récit coule avec fluidité, les sensations, les événements, les réflexions, les personnages du moment - celui de la maladie - se mêlant le plus naturellement du monde aux sensations, aux événements, aux réflexions, aux personnages de sa vie avant la maladie. Une chose est sûre : la maladie n'a pas eu que des effets négatifs sur Myriam Imena, désormais « capable de vivre avec la douleur reconnue, donc capable de vivre aussi le plaisir qui prenait sens ».
Redevenir « un homme debout »
Elle n'est d'ailleurs pas la seule à tirer de ses souffrances un sens renouvelé de sa vie. Marc Merger, paraplégique après un accident de voiture, « brisé, à terre », s'est « cru fini ». Et puis, comme il le dit en prologue de son livre : « Cette histoire, la mienne et celle de toute une équipe de chercheurs, prouve le contraire. J'ai gardé l'amour, préservé l'amitié, changé de carrière, découvert la vie. » Si sa femme, qui l'a épousé après l'accident, a contribué à cette découverte, le Pr Pierre Rabischong, dont on connaît les travaux destinés à « faire marcher les paraplégiques », a joué un rôle déterminant. Marc Merger sera en effet un « véritable partenaire de la recherche » pour le chercheur, et le premier bénéficiaire de la « machine à marcher » mise au point à Montpellier, une machine qui a certes encore des progrès à faire, mais qui a déjà permis à Marc Merger et à quelques autres tétraplégiques de redevenir des « hommes debout ».
Mathieu a fait tout ce qu'il a pu, avec l'aide ô combien patiente, dévouée, acharnée, de ses parents et de toute une équipe de bénévoles, pour être un petit garçon debout. En tout cas, un petit garçon qui existe bel et bien, contrairement à ce que laisse entendre le titre du livre dans lequel sa mère raconte par le menu le combat permanent que fut cette vie de neuf années. Qui existe avec ses convulsions incontrôlables médicalement, avec ses problèmes bronchiques à répétition, mais aussi avec ses immenses yeux bleus au regard de plus en plus présent, avec ses progrès moteurs et comportementaux, lentement, parfois péniblement acquis grâce à ce « patterning » que ses parents n'hésiteront pas à aller chercher jusqu'en Amérique. Si le livre dit les mérites et les difficultés de cette méthode de stimulation sensorielle, physique et mentale intensive imaginée aux Etats-Unis, s'il fait vivre une famille aux prises avec des difficultés de tous ordres, il vise aussi, et peut-être surtout, à plaider la cause de ces petits enfants handicapés, que la société semble souvent vouloir oublier, nier, occulter.
Ni invisible ni inactif
Jean Desaert considère lui aussi qu'un handicap n'a aucune raison de rendre invisible. Non content de naviguer entre hôpitaux et études, il prend une part active à l'Association française de l'ataxie de Friedreich, la maladie dont il est atteint, participe au Téléthon et, aujourd'hui, malgré sa peur de décevoir le lecteur, il livre à ce dernier « des chosesqu'il avait envie de coucher sur le papier ». Y compris la certitude d'avoir réussi, à 22 ans, « à être ce qu('il voulait), même au-delà de (ses) espérances » et l'espoir - mesuré - de voir la thérapeutique contrecarrer la marche de la maladie.
Citons enfin un être tout à fait à part, puisque le Dr Michel-Raymond Corniglion est « le seul chirurgien ayant exercé plus de temps avec le cur d'un autre qu'avec le (sien) propre », et puisqu'il fait partie des cinq à dix greffés cardiaques vivant depuis vingt ans avec le cur d'un autre. Si c'est d'abord son histoire qu'il raconte, c'est bien dans le but de défendre la cause des transplantations et des dons d'organes, en donnant de son temps à des patients en attente de greffe, en défendant le don d'organes et en versant les bénéfices de son livre à l'Association pour les dons d'organes et de tissus humains.
Décidément, il semble bien que la bagarre contre la maladie ou le handicap puisse être un facteur d'embellissement de la vie.
« Ma vie sur un fil », Myriam Imena, Editions Saint-Augustin (case postale 148, CH - 1890 Saint-Maurice), 118 pages, 10,37 euros.
« Lève-toi et marche », Marc Merger, Robert Laffont, 193 pages, 18,14 euros.
« Le petit garçon qui n'existait pas », Ghislaine Ballester, Desclée de Brouwer, 252 pages, 2 euros.
« La vie est plus belle quand on l'écrit soi-même », Jean Deusaert, Editions des Ecrivains (147-149, rue Saint-Honoré, 75001 Paris), 94 pages, 12 euros.
« 20t ans ans avec le cur d'un autre », Michel-Raymond Corniglion, Editions lyonnaises d'Art et d'Histoire, 252 pages, 19 euros.
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