LE QUOTIDIEN : Quel constat posez-vous sur l’évolution de la pratique de vasectomie en France ?
Pr ÉRIC HUYGHE : La pratique se démocratise. Il y a cinq ans j’étais sollicité une à deux fois par mois en consultation, désormais c’est plusieurs procédures par semaine. Aujourd’hui, les patients sont dans une démarche personnelle qu’ils ont déjà mûrie. Quand ils arrivent en consultation, ils ont déjà des informations, trouvées par eux-mêmes, ou ont déjà discuté avec leur médecin. Pour autant, la pratique de la vasectomie reste en France largement inférieure à d’autres pays. Ainsi selon la CNAMTS 3 243 actes de vasectomie y ont été réalisés en 2016 ; alors que dans le monde anglo-saxon, la méthode est pratiquée à grande échelle (on dénombre plusieurs centaines de milliers d’interventions par an aux États-Unis). Viennent ensuite la Chine, l’Inde et le Canada.
Quelles sont les motivations et le profil des hommes qui font ce choix ?
Ils ont le plus souvent la trentaine ou la quarantaine, sont déjà parents et ont le souhait de ne plus avoir d’enfant. Ils sont donc dans une démarche de stérilisation plus que de contraception. Les patients qui consultent pour ce motif arrivent généralement ici après un cheminement personnel ou de couple quand ils sont en couple, ce qui n’est pas systématique. Je vois aussi des hommes qui souhaitent prendre à leur compte le contrôle des grossesses.
Qu’est ce qui explique selon vous ce changement de mentalité vis-à-vis de cette pratique ?
Ce qui a changé, c’est la loi du 4 juillet 2001 qui reconnaît et encadre parfaitement cette pratique, jusque-là considérée comme une atteinte à l’intégrité de l’individu. Désormais, le cadre est très précis il prévoit deux consultations à quatre mois d’intervalle avec remise d’un consentement et d’une lettre d’information, lors de la première consultation. Ce courrier doit être lu et rediscuté à la deuxième consultation. Le cadre est plus strict que pour certaines pathologies lourdes, alors que c’est un geste qui se réalise quasiment en consultation et en hospitalisation de jour. Les avantages de cette loi, c’est qu’elle permet à la personne de réfléchir et éventuellement de se raviser, même si dans les faits très peu le font.
Vous décrivez la vasectomie comme un geste simple et en principe définitif, pourquoi ?
Le geste en lui-même consiste, dans le cadre d’une intervention chirurgicale réalisée sous anesthésie locale ou générale, à ligaturer, sectionner et/ou coaguler les canaux déférents au niveau scrotal pour empêcher les spermatozoïdes de se mélanger au liquide spermatique. On parle d’intervention à visée contraceptive en principe définitive car des techniques microchirurgicales de reperméabilisation réalisés après l’intervention, permettent aux hommes de retrouver leur fertilité dans près de 80 % des cas. Par ailleurs, nous proposons une cryoconservation du sperme au patient avant d’effectuer le geste chirurgical. Enfin, je parle d’un geste simple car les complications post-opératoires après une vasectomie sont plus faibles qu’après des interventions équivalentes chez les femmes (ligature des trompes…)
Quel est l’intérêt de la vasectomie par rapport aux autres méthodes de contraceptions masculines ?
Les autres modes de contraceptions masculines ne sont à ce jour que des voies de recherche, pas complètement validées. Et 10 à 15 % des hommes sont résistants à la contraception hormonale.
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