La TSH serait un mauvais marqueur de la sévérité de l'hypothyroïdie

Publié le 09/02/2003
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L'hypothyroïdie primaire se manifeste sous les présentations cliniques les plus diverses, de la forme subclinique à l'hypothyroïdie franche. Les altérations biochimiques peuvent ne pas être en rapport avec les manifestations tissulaires périphériques. La mesure de la TSH est considérée comme associée à la sévérité de l'hypothyroïdie. Mais serait-ce à tort ?

Un travail publié dans le « British Medical Journal » le suggère. Christian Meier et coll. (Bâle) ne retrouvent pas, chez 49 hypothyroïdiennes, la corrélation attendue. Et commentent ainsi : « La TSH est un mauvais moyen d'estimation de la sévérité clinique et métabolique d'une insuffisance thyroïdienne primaire franche. » Ainsi supposent-ils que la sécrétion de TSH croît jusqu'à un seuil maximal, sans possibilité d'augmentation supplémentaire en rapport avec une aggravation de l'hypothyroïdie.

Les effets biologiques des hormones

Aussi, pour avoir un reflet de la sévérité clinique de la maladie, il vaut mieux prendre en compte les effets biologiques des hormones thyroïdiennes au niveau des tissus périphériques et non les concentrations en TSH. Et pour mettre en place un traitement par hormones thyroïdiennes, il est plus judicieux de se guider sur la présentation clinique et métabolique et sur les taux d'hormones thyroïdiennes que sur la TSH sérique.
Christian Meier et coll. s'autorisent à tirer cette conclusion, après avoir analysé les marqueurs tissulaires des 49 patientes (âge moyen de 56,6 ans), qui tous souffraient d'hypothyroïdie après thyroïdite auto-immune chronique (n = 30), à la suite du traitement d'une hyperthyroïdie de Graves (goitre exophtalmique) par radio-iodine ou chirurgie (n = 16), d'une thyroïdectomie pour goitre simple (n = 2) ou d'un adénome toxique traité (n = 1). Toutes avaient une TSH > 20 mU/l, une thyroxine libre inférieure à 8 pmol/l. En plus de la mesure de la TSH et des hormones thyroïdiennes périphériques (thyroxine libre et triiodothyronine), ils ont mesuré les marqueurs cliniques et métaboliques (score clinique, réflexogramme achilléen, créatine kinase, cholestérol total) pour évaluer l'action des hormones au niveau tissulaire.
Pour estimer l'association entre les hormones thyroïdiennes et les marqueurs de l'hypothyroïdie, la TSH a été corrélée aux concentrations des hormones et aux paramètres inhérents aux différents tissus.
C'est ainsi qu'apparaissent de bonnes corrélations avec les hormones circulantes mais non avec le TSH sérique.
Ils ont ensuite utilisé un test pour mettre en relation les données du patient à la sévérité de l'hypothyroïdie tissulaire (réflexogramme achilléen modérément prolongé (410-550 ms) comparativement à une prolongation importante (supérieure à 550 ms).
Les concentrations de thyroxine libre diminuent significativement entre ces groupes (de 5,5 pmol/l à 2,5 pmol/l), tout comme la tri-iodothyronine (de 1 nmol/l à 0,8 nmol/l, p = 0,002). On trouve aussi une altération du score clinique de 5 points à 8,5 points (p = 0,0005), une relation avec le créatine kinase (144 U/l à 566 U/l, p < 0,001) et le cholestérol total (7,63 mmol/l à 9,4 mmol/l, p = 0,003). Malgré ces résultats, on ne trouve pas de différence dans les concentrations en TSH entre ces groupes (de 42 mU/l à 53,8 mU/l, p = 0,44).
On peut attribuer cette mauvaise corrélation à un épuisement de la sensibilité après une hyperstimulation prolongée.

« British Medical Journal », vol. 326, 8 février 2003, pp. 311-312 et éditorial pp. 295-296.

Dr Béatrice VUAILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7270