Un veto des Etats-Unis a empêché les Nations unies d'adopter une résolution interdisant au gouvernement israélien d'expulser Yasser Arafat de Ramallah.
Le gouvernement américain, pourtant hostile à cette expulsion, a expliqué que le texte de la résolution contenait une faille : il ne faisait pas référence aux actes de terrorisme commis par des factions palestiniennes.
Guérilla diplomatique
Les Palestiniens et les pays arabes ont vu dans le veto une preuve supplémentaire du soutien inconditionnel de Washington à la politique d'Ariel Sharon et s'efforcent maintenant de faire condamner Israël au niveau de l'assemblée générale de l'ONU. Cette guérilla diplomatique n'apportera rien à la résolution de la crise. Mais les relations entre Américains, Israéliens et Palestiniens sont plus compliquées que l'affirme la thèse du monde arabe.
M. Bush n'a aucune sympathie pour M. Arafat et l'a répété encore tout récemment ; il est convaincu, comme d'autres observateurs plus lucides que lui, que le président de l'Autorité palestinienne a tout fait pour saborder la mission de son ex-Premier ministre, Mahmoud Abbas qui, de dépit, a démissionné. Depuis l'échec des pouparlers de Taba et le début de la deuxième intifada, M. Arafat a fait le choix de la violence. Elle lui a permis de conserver le soutien de son peuple, hostile à toute concession territoriale, d'apparaître, sinon comme un fédérateur, comme un homme au-dessus de la mêlée où les factions extrémistes s'entraident et se combattent à la fois, et de voir si, par hasard, il ne peut pas l'emporter contre Israël, harassé par le terrorisme et affaibli économiquement.
Beaucoup d'Israéliens croient aujourd'hui que M. Arafat n'a jamais eu l'intention de signer des accords de paix. C'est une hypothèse parmi d'autres, mais pas moins vraisemblable que d'autres.
En tout cas, M. Bush l'a faite sienne. S'il ne souhaite pas l'expulsion de M. Arafat, c'est parce qu'il sait qu'elle serait aussitôt suivie par une flambée de violence, durable et probablement pire que les précédentes. S'il ne peut pas non plus isoler Ariel Sharon au moment où les Etats-Unis sont confrontés directement au terrorisme en Irak et en Afghanistan, M. Bush exerce des pressions non négligeables sur Israël en recourant aux bonnes vieilles recettes de son père : la menace de ne pas garantir les emprunts israéliens sur le marché américain.
Les conseils de Bush
Le président américain se retrouve dans la position de quelqu'un qui doit dire aux Israéliens ce qui leur convient et les dangers qu'ils doivent éviter. Car M. Sharon a commis récemment deux erreurs majeures : il a tenté en vain de faire assassiner le chef spirituel du Hamas, vieillard paraplégique mais encore capable de lancer quotidiennement des appels au meurtre ; ce qui a valu aux Israéliens deux attentats particulièrement sanglants du Hamas. La provocation était non seulement contreproductive (les candidats à la violence sont innombrables) mais elle a été payée par le sang des concitoyens de M. Sharon.
La deuxième erreur, c'est la décision « de principe » du gouvernement israélien d'expulser M. Arafat et d'avoir laissé un lieutenant de M. Sharon envisager le meurtre pur et simple du président palestinien.
C'est une faute à un double titre ; d'abord tactique, parce que, sous la pression américaine, M. Sharon a aussitôt reculé et annoncé que l'expulsion de M. Arafat n'était pas à l'ordre du jour ; politique ensuite, parce que ce sont des civils israéliens qui paieraient de leur vie le bannissement du leader palestinien.
La question de la légitimité de M. Arafat, élu par son peuple et qui incarne sans nul doute le mouvement national palestinien, est donc superflue.
Même MM. Sharon et Bush doivent en convenir ; la vraie question porte sur l'émergence, toujours attendue, du dialogue politique, qui n'aura lieu que si un minimum de calme réapparaît. S'il est vrai ou probable que M Arafat ne souhaite une paix négociée, s'il est possible qu'il croie encore à une victoire militaire sur Israël, s'il est certain qu'il a sapé un Premier ministre dont il ne voulait pas, il n'en est pas moins évident que M. Sharon ne croit pas du tout à la bonne foi des Palestiniens, de sorte que lui non plus n'a rien fait pour soutenir Mahmoud Abbas.
Guerre civile ?
Les Palestiniens affirment que, si M. Abbas est parti, c'est parce que M. Sharon essayait de les diviser et de provoquer une guerre civile dans les territoires, entre Palestiniens souhaitant une paix négociée et Palestiniens engagés dans le terrorisme. Mais de son côté, le chef du gouvernement israélien ne veut pas s'engager dans une voie qui l'opposerait à la minorité ultra : le risque de guerre civile est peut-être moins grand en Israël mais il a déjà été évoqué. Il demeure qu'aucun Israélien, à ce jour, n'a posé de bombe ou ne s'est livré à un attentat-suicide. En revanche, un certain degré dans le fanatisme peut conduire des Palestiniens à se retourner contre leur propre camp.
Peut-être M. Sharon est-il tenté par la politique du pire, comme M. Arafat il y a trois ans. Il aurait tort, même s'il n'avait pas un seul interlocuteur politique dans le camp adverse. Le présent et l'avenir d'Israël ne se jouent pas sur la dimension de son territoire, mais sur sa capacité à accomplir son devoir sioniste, comme le réclament des hommes, et non des moindres, comme Avraham Burg et Shlomo Ben-Ami : le sionisme est une ambition nationale et un Etat israélien ne peut pas se contenter de frontières vagues ou imprécises. M. Sharon peut prendre le risque de déplaire à l'extrême droite et de dire où se situe la frontière d'Israël ; il va de soi qu'il indiquera du même coup où se situe la frontière de la Palestine. Il y aura fatalement des différences d'appréciation, mais le tracé final ne peut être dessiné que par des négociations.
Les Palestiniens auront alors le choix entre des pourparlers sur le tracé de la frontière, ou une recrudescence de la violence qui indiquerait leur volonté définitive d'en finir par la force. Il n'est pas sûr que, placés au pied du mur, ils prennent le parti de souffrir - et de mourir - encore pour un avenir incertain. Quelles que soient les intentions réelles de M. Arafat, M. Sharon devrait, quant à lui, faire une nouvelle tentative de paix parce qu'il ne pourra jamais empêcher la totalité des attentats-suicides. Et il doit être guidé par une idée simple : il faut bien que les Palestiniens vivent quelque part ; et ce ne peut être qu'en Palestine.
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