AFIN DE MIEUX élucider les causes de l'apparition de la maladie chez des nouveau-nés qui n'avaient pas été exposés aux piqûres de moustiques vecteurs, des médecins du groupe hospitalier Sud-Réunion GHSR (Drs Gérardin, Michault, Barau et Robillard), l'équipe du Dr Lecuit (Institut Pasteur-Avenir Inserm U 604) et celle du Dr Schuffenecker (CNR arbovirus, Institut Pasteur) ont mis en place une vaste étude prospective et multidisciplinaire chez les femmes enceintes admises au GHSR. Au total, 7 500 femmes ont été incluses, 749 d'entre elles présentaient des signes cliniques et paracliniques de la maladie. Près de 10 % des nouveau-nés avaient donc été exposés au cours de la grossesse. Le taux de transmission global était faible puisque seuls 2,5 % des enfants en contact avec le virus ont été infectés. Aucun des 19 malades parmi les 749 enfants exposés ne présentait de signes de piqûres d'insectes et les auteurs ont donc considéré que seule la voie de transmission materno-foetale pouvait être mise en cause. Au cours de l'étude qui a duré 22 semaines, seulement 0,25 % des enfants nés sur l'île de la Réunion ont développé la maladie.
Les jours proches du terme.
Les auteurs ont observé que le risque de transmission du virus à l'enfant était plus important lorsque l'infection avait lieu en fin de grossesse dans les jours proches du terme. Ainsi, alors que d'une façon globale moins de 3 % des enfants nés de mère infectée au cours de leur grossesse naissent contaminés, le taux de transmission atteint 50 % lorsque l'infection a été contractée dans les deux jours précédant l'accouchement. Des données semblent indiquer que la barrière placentaire agit de façon efficace lorsque la mère a été infectée dans les 6 mois avant la grossesse et qu'il persiste des signes sériques de l'infection. En revanche, lorsque la mère a été infectée dans les jours précédant l'accouchement et que la virémie est importante (plus de 1,5 million de copies par ml), le risque de transmission est très important. Il serait en rapport avec l'existence de brèches dans la barrière placentaire qui sont favorisées par les contractions utérines. L'analyse virologique des placentas a confirmé la présence d'une importante charge virale qui pourrait expliquer le passage du virus au foetus.
Forme sévère chez les enfants.
L'étude a également montré que les enfants ayant contracté le chikungunya par transmission materno-foetale développent les formes sévères de la maladie. Les auteurs estiment que de 78 à 100 % des enfants souffraient d'arthralgies, bien que cette notion soit difficile à évaluer chez les tout-petits. Ces douleurs articulaires étaient associées à un oedème articulaire et à un état de prostration. La plupart des enfants présentaient par ailleurs des signes cutanés tel qu'un exanthème rubeoliforme ou roséoliforme polymorphe. Les examens sanguins ont retrouvé une lymphopénie dans 70 % des cas, justifiant parfaitement la recommandation de surveillance rapprochée des formules sanguines au cours de l'épidémie. Dans 89 % des cas, la lymphopénie s'associait à des signes de gravité clinique – en particulier neurologiques – qui ont conduit à la mise en place d'un traitement par gammaglobulines ou stéroïdes, bien que le bénéfice de cette prise en charge n'ait pas été démontré jusqu'à présent. Les auteurs ont détecté un nombre particulièrement élevé de lésions neurologiques atteignant le système nerveux central, en particulier des oedèmes de la substance blanche et des hémorragies pétéchiales du parenchyme. Ces lésions ont été régressives chez la plupart des enfants atteints, mais pour trois d'entre eux le pronostic neurologique à long terme est remis en question en raison d'une perte neuronale irréversible.
Pas de bénéfice de la césarienne.
Enfin, les auteurs ont analysé l'impact d'une naissance par césarienne sur le pronostic virologique. Aucune diminution de la transmission n'a été observée lorsque cette procédure était employée, elle ne semble donc pas justifiée dans l'état actuel des connaissances en l'absence de risque obstétrique particulier. L'équipe multidisciplinaire conclut qu'une durée d'hospitalisation d'une semaine peut être souhaitable chez les enfants nés de mère infectée en fin de grossesse dans le cadre de protocoles de surveillance clinique et paraclinique.
« PlosMedicine » 18 mars 2008.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature