CONGRES HEBDO
La toxine botulique est un traitement utilisé depuis plus de vingt ans. C'est Alain Scott, un ophtalmologiste de San Francisco, qui a eu l'idée en 1980 de l'utiliser comme traitement du strabisme de l'enfant, en paralysant l'un des muscles moteurs de l'il.
Produit biologique sécrété par Clostridium botulinum, la toxine botulique est la plus puissante des neurotoxines connues à l'heure actuelle. On en connaît huit sérotypes : A, B, C1, C2, D, E, F et G. En thérapeutique, seuls les sérotypes A et B sont utilisés, pour provoquer une paralysie flacide au niveau du muscle qui est injecté. La paralysie est liée à l'inhibition de la libération de l'acétylcholine au niveau des synapses.
En France, la première toxine commercialisée a été la toxine botulique A. Actuellement, le Laboratoire Allergan la propose sous forme injectable (Botox en flacons de 100 UI). Depuis un an est apparue sur le marché la toxine botulique B distribuée par un laboratoire irlandais qui permet de disposer de flacons avec des unités variables (10 000, 5 000 et 2 500 unités) et qui peut être utilisée en cas d'échec de la toxine botulique A.
Les injections sont soit intramusculaires, soit sous-cutanées, soit intraglandulaires en fonction de l'effet désiré.
Trouver la dose minimale efficace
« La dose est dépendante du lieu d'injection et du volume du muscle que l'on doit traiter, ainsi que de la pathologie et de la tolérance du patient aux précédentes injections précise le Dr Patrick Klap. Les effets secondaires à type de paralysie sont toujours dus à une diffusion du produit au niveau des muscles voisins et durent en général de quelques jours à 2 ou 3 semaines. »
Les effets cliniques de la toxine botulique sont fonction de la dose injectée : plus la dose est élevée, plus l'effet est important et de longue durée. En moyenne, sur l'ensemble des indications, la durée d'efficacité de la toxine botulique est de trois à six mois ; il faut respecter les règles de précaution : à savoir un intervalle de deux mois entre chaque injection et ne pas l'injecter en cas de myasthénie et de grossesse.
Les mouvements anormaux qui relèvent de la toxine botulique peuvent atteindre le larynx, l'oesophage, la cavité buccale, mais aussi la face et le cou. Ces dystonies sont en général secondaires à une mauvaise sécrétion des récepteurs au niveau des noyaux gris centraux, qui entraîne une atteinte du centre des mouvements involontaires et provoquent des contractions soutenues et involontaires des muscles d'une ou de plusieurs parties du corps.
La dystonie spasmodique, dans laquelle la toxine botulique est utilisée depuis 1989 atteint les muscles du larynx et entraîne des dysphonies bien caractéristiques.
Essais cliniques en cours
Ce traitement par toxine botulique se fait en ambulatoire, sans anesthésie. L'aiguille est introduite par voie sous-cutanée et l'électromyogramme permet de repérer le muscle atteint (muscles des cordes vocales, cricoaryténoïdien postdilatateur de la glotte, etc.). Les effets secondaires (troubles mineurs de la déglutition et hypophonie), présents dans 90 % des cas, sont transitoires et durent entre deux et trois semaines. L'efficacité se prolonge de quatre à six mois avec des taux de succès de 73 à 91 % selon les formes. Malheureusement cette indication n'a pas l'AMM en France malgré les consentements obtenus aux Etats-Unis.
« Chez des patients présentant une dyspnée inspiratoire isolée, considérés comme des asthmatiques, mais chez qui le traitement de l'asthme ne marche pas et les EFR sont peu perturbés, il faut songer à faire une nasofibroscopie, souligne le Dr Klap . Elle permet de voir des cordes vocales spasmées en position médiane, qui entraînent une diminution importante de la filière glottique, et expliquent la dyspnée. Le traitement par injection de toxine botulique dans les muscles des cordes vocales résout dans bien des cas le problème. »
Le tremblement de la voix chez la personne âgée peut être une indication intéressante, car il est souvent associé à un spasme des cordes vocales.
Au niveau de l'oesophage, il peut exister des anomalies du sphincter supérieur de l'oesophage, à l'origine de dysphagies hautes et de sensation de blocage alimentaire ; la manométrie sophagienne va souvent retrouver une achalasie parfois associée à d'autres dystonies cervico-faciales. Ce sont des patients qui bénéficiaient jusqu'à présent d'un acte chirurgical qui consistait à sectionner le muscle atteint de spasmes. L'injection de toxine botulique a de bons résultats dans 70 à 90 % des cas, à condition de renouveler l'injection tous les quatre à cinq mois.
Au niveau de la cavité buccale, la dystonie oromandibulaire qui provoque un trismus douloureux, des troubles de la mastication, une dysarthrie, peut en bénéficier ainsi que les problèmes d'articulations temporo-mandibulaires, et le bruxisme.
Le blépharospasme
Au niveau de la face et du cou, l'indication majeure est le blépharospasme. L'injection de toxine botulique renouvelée tous les trois mois a de bons résultats dans 75 % des cas. L'AMM a été obtenue dans cette indication depuis 1996 en France, ainsi que pour l'hémispasme facial essentiel, caractérisé par l'existence de mouvements involontaires des muscles d'une hémiface. Les séquelles de paralysie faciale peuvent bénéficier également de la toxine botulique dans un certain nombre de cas :
- devant l'existence d'une ouverture palpébrale permanente (on injecte le muscle releveur de la paupière supérieure) ;
- lors d'un hémispasme facial postparalytique ;
- en présence d'un syndrome des larmes de crocodiles (patients qui larmoient de manière importante) ;
- lorsque les patients veulent retrouver une symétrie du visage, on peut injecter les muscles sains contro-latéraux (muscle frontal et grand zygomatique).
Enfin, le torticolis spasmodique est la forme la plus fréquente des dystonies focales de l'adulte, qui entraîne une déviation des muscles de la tête et du cou. L'injection de toxine botulique dans le muscle sterno-cléido-mastoïdien et le trapèze, indication reconnue depuis 1996, améliore très nettement les patients.
Des applications en médecine esthétique
« A force de traiter des patients qui présentaient des blépharospasmes ou des paralysies faciales, nous nous sommes aperçu que les rides péro-orbitaires disparaissaient, explique le Dr Klapp. On a conclu que les rides d'expression, notamment celles de la région frontale, glabellaire et canthales externes et nasolabiale pouvaient bénéficier d'injections de toxine botulique bien ciblées pour réduire au minimum les effets secondaires. Des études sont en cours pour obtenir l'AMM dans cette indication. »
La toxine botulique a également des effets sur le système nerveux autonome. Elle permet en effet d'obtenir de bons résultats, notamment dans le syndrome de Frey. Il s'agit de patients qui, après une parotidectomie, présentent une sudation de la région opérée, très invalidante au moment des repas. L'injection de toxine botulique bloque la stimulation du système nerveux autonome et assèche cette zone. Certains l'utilisent même pour réduire des hyperhydroses axillaires pathologiques.
Enfin, elle est également prescrite aux Etats-Unis dans les céphalées de tension, elle aurait un effet bénéfique préventif de la migraine chez 75 % des patients ainsi traités...
D'après un entretien avec le Dr Patrick Klap, fondation Adolphe-de-Rothschild, Paris et président du Club Isambert.
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